Christian Thorel
En quoi les librairies indépendantes sont-elles “essentielles” ? Christian Thorel — Il y a l’essentiel essentiel, soit ce qui a trait à la nourriture et aux soins, mais aussi l’enjeu de l’essentiel pour l’esprit, qui passe par la culture et particulièrement par les livres. Et, lors de la crise sanitaire, tout le monde a assez vite convenu que les librairies sont des lieux nécessaires à notre équilibre mental et moral, des lieux où l’on peut se représenter un peu du bonheur dont nous avons besoin. Entrer dans une librairie, c’est quitter le stress de la rue : les livres sont aussi des éponges à angoisses.
Les librairies sont selon vous “les maisons des vivants”. En hébreu, le mot “cimetière” se traduirait ainsi. Et, dans les librairies, nous sommes dans des cimetières-jardins dans lesquels les morts restent vivants : c’est la grande force des librairies que d’être des lieux où des mémoires sont entretenues, tout en étant toujours actuelles, dans le présent.
Quel avenir pour ces lieux face au pouvoir croissant d’Amazon ?
Il nous faut une vraie et subtile politique de l’offre et de la demande : je ne crois pas à l’idée du libraire en tant que prescripteur définitif, nous devons aussi répondre à nos publics. En parallèle, tant que le public saura qu’il vient trouver dans les librairies ce qu’il ne cherche pas, tant qu’elles resteront à ses yeux le lieu de l’éveil des désirs, les librairies seront là.