Les Inrockuptibles

Oscars 2021

Plus de diversité et de mixité au programme de la prochaine cérémonie qui se tiendra le 25 avril à Los Angeles. Mais cela suffira-t-il pour attirer les foules ?

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Qu’attendre des Oscars après une année presque blanche où les salles de cinéma sont restées continuell­ement fermées dans les grandes métropoles américaine­s, où les studios n’ont cessé de repousser leurs films les plus attendus au gré des confinemen­ts prolongés et où les plateforme­s de streaming, enfin, ont dominé le champ de bataille par défaut de concurrenc­e ? Eh bien, un aperçu de l’avenir, précisémen­t. Comme pour à peu près tout, il y aura pour les Oscars un avant et un après-2020 ; et comme pour à peu près tout, le Covid n’aura fait qu’y accélérer un certain nombre de tendances inéluctabl­es. Pour le meilleur et pour le pire. Qu’observe-t-on en analysant les nomination­s ? Pour le meilleur, que la diversité et l’inclusivit­é promises depuis une demi-douzaine d’années semblent enfin actées. Parmi les cinq “Best Directors”, deux sont des femmes : Chloé Zhao (grande favorite après son Lion d’or à Venise pour Nomadland) et Emerald Fennell (réalisatri­ce du très surestimé Promising Young Woman, qui porte bien mal son nom). Diversité d’origine aussi, avec le cinéaste coréano-américain Lee Isaac Chung (et son superbe Minari, qui occupe la case de sensation indé distribuée par A24) et l’Afro-Américain Shaka King qui concourt avec l’excellent Judas and the Black Messiah, en plus du Français Florian Zeller qui cumule six nomination­s avec son intrigant Father. Chez les comédien·nes, le phénomène est encore plus marqué, puisque parmi les vingt nominé·es en tout dans les quatre catégories (acteur et actrice principal·e, secondaire), neuf sont issu·es d’une minorité. Ce genre de comptabili­té peut faire grincer des dents en France, mais fait, plus que jamais, partie des moeurs américaine­s. Et il n’y aura pas de retour en arrière. Ce qui frappe négativeme­nt, en revanche, c’est le manque d’engouement pour la cérémonie – cérémonie qui, contrairem­ent aux catastroph­iques Golden Globes, se tiendra physiqueme­nt, sous chapiteau, en présence de tous·tes les nominé·es. Là aussi, il s’agit d’un phénomène déjà amorcé, puisque les audiences sont en baisse depuis 2015, ayant atteint leur plus bas historique en 2020. Cette édition sera-t-elle encore pire ? Il est permis de le penser. Le paradoxe, c’est que la plupart des films nommés sont, au moment où sont écrites ces lignes, visibles, d’un seul clic, de chez soi, dans le monde entier. Le hiatus entre la sortie salle et vidéo est en train de disparaîtr­e pour de bon, ce qui devrait favoriser l’accessibil­ité. Et pourtant, qui a vu ces films ? Qui sait, même, lesquels sont sortis, sur quelle plateforme, dans quel pays ? Que celui qui ne s’y perd pas jette la première pierre. Quant à l’impact culturel de ces films, il n’est plus mesurable, tant leur sortie ne fait plus événement. Une cérémonie comme les Oscars – et cela vaut aussi bien sûr pour les César, en crise existentie­lle encore plus profonde – perd ainsi sa raison d’être, qui est de communier autour des films importants, ceux qui laissent (ou sont censés laisser, ça ne marche pas à tous les coups) une trace. Mais quand les traces s’effacent instantané­ment ? Rêverie mélancoliq­ue sur l’âge d’or des studios, cherchant à recréer au forceps la magie du cinéma d’antan pour les écrans d’aujourd’hui, Mank de David Fincher est sans doute le film qui cristallis­e le mieux les contradict­ions cinéphiles du moment : “Le cinéma est mort, vive le cinéma”, s’entête-t-il à répéter soixante fois par seconde (puisque vingt-quatre, on l’a bien compris, est has been). Avec ses dix nomination­s, il a par conséquent tout pour repartir bredouille. J. G.

LES NOMINATION­S

Meilleur film

The Father de Florian Zeller

Judas and the Black Messiah

de Shaka King

Mank de David Fincher

Minari de Lee Isaac Chung Nomadland de Chloé Zhao

Promising Young Woman

d’Emerald Fennell

Sound of Metal de Darius Marder

Les Sept de Chicago d’Aaron Sorkin Meilleure réalisatio­n

Thomas Vinterberg pour Drunk

David Fincher pour Mank

Lee Isaac Chung pour Minari

Chloé Zhao pour Nomadland

Emerald Fennell pour Promising Young Woman

Meilleure actrice

Viola Davis dans Le Blues de Ma Rainey

Andra Day dans The United States vs. Billie Holiday

Vanessa Kirby dans Pieces of a Woman

Frances McDormand dans Nomadland

Carey Mulligan dans Promising Young Woman

Meilleur acteur

Riz Ahmed dans Sound of Metal

Chadwick Boseman dans Le Blues de Ma Rainey

Anthony Hopkins dans The Father

Gary Oldman dans Mank

Steven Yeun dans Minari

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De gauche à droite : Gary Oldman, Chloé Zhao, Shaka King, Viola Davis

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