Les Inrockuptibles

Field Music

Flat White Moon Memphis Industries/Bertus

- R. B.

Irrigué par un esprit joueur, le groupe des frères Brewis revient à son meilleur sur un très grand disque de science pop.

PARMI LES PAIRES DE FRÈRES D’OUTRE-MANCHE, PETER ET DAVID BREWIS sont un peu les anti-Gallagher. On ne leur connaît pas de frasques pour tabloïds, et quand l’un des deux tente une échappée, l’autre est du genre à s’exclamer :

“C’est vraiment excellent, il va falloir que j’arrive à faire aussi bien !” Et puis on les imagine plus volontiers se prendre la tête en studio sur un arrangemen­t de cordes qu’au pub autour des derniers résultats de la Champions League. En intellos pop, c’est d’ailleurs sur un concept album qu’ils nous avaient laissé·es l’année dernière, Making a New World abordant les conséquenc­es de la Première Guerre mondiale.

Flat White Moon est d’un abord moins théorique : d’emblée, une collection de pop songs aux thématique­s plus contempora­ines et intimistes, et aux mélodies accrocheus­es. Le son paie son tribut au XTC sous le contrôle de Todd Rundgren de Skylarking (1986), et si Peter revendique l’influence des collages de Beck et De La Soul, les chansons de Field Music sonnent résolument comme la rencontre en laboratoir­e de Joe Jackson et Paul McCartney. Et pas seulement parce qu’il est ici question d’une certaine Linda au détour d’un titre sublime (When You Last Heard from Linda).

Ces chansons ont assurément un cerveau bien rempli, mais aussi un corps,

et celui-ci est traversé par une névralgie new wave, chaque morceau comme agrippé à un motif obsédant dont il tire insatiable­ment toute la sève. Ce sont ces riffs faméliques et nerveux – comme celui, vrombissan­t, du petit monument No Pressure – ou le piano de Not When You’re in Love, ses contrepoin­ts vocaux, le tout agencé comme une architectu­re équilibris­te, qui font la patte de ce groupe inimitable. On passe par un

In This City vibratoire (comme si Of Montreal jouait en blouse blanche) pour finir sur les cahots princiers du génial You Get Better : jamais depuis leur magnum opus, Field Music (Measure) (2010), Peter et David n’avaient autant fait briller leur palette. Tendu comme un élastique par un groove roide et une envie manifeste de donner son meilleur, le groupe se propulse en orbite. Car les Brewis ne sont jamais aussi bons que lorsqu’ils donnent à leur sophistica­tion l’allant de la spontanéit­é. Au vu de la précision mathématiq­ue de leurs recherches, on leur décerne sans hésiter la médaille Fields de la pop.

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