L'Histoire

Un ancêtre pour le 9e art

Quand et comment la bande dessinée est-elle devenue un art ?

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Le Débat n° 195

Les lecteurs de L’histoire, qui se régalent tous les mois de la rubrique concoctée par Pascal Ory, ne s’étonneront pas que la très sérieuse revue Le Débat consacre son dossier à la bande dessinée. Longtemps considérée comme enfantine ou populaire, elle mérite en effet qu’on revienne sur ce que la sociologue Nathalie Heinich (CNRS) appelle son « artificati­on ». Quel ancêtre choisir au 9e art ? En Occident, sans doute le Genevois Rodolphe Töpffer, dès 1833, avec Monsieur Jabot, Monsieur Crépin, le Docteur Festus – dans une lignée de « narrativit­é séquentiel­le » inaugurée par les stations des chemins de croix dans les églises, les manuscrits enluminés du Moyen Age ou les broderies. Mais c’est le développem­ent de la presse populaire, d’abord aux États-unis, qui transforme les personnage­s récurrents des comics en véri- tables héros. Dont l’évolution suit celle de la société : ainsi Fritz the Cat (1972), de Robert Crumb, né sur le terreau du mouvement hippie et de la contre-culture, s’attaque aux tabous, notamment sexuels. Il inspirera d’ailleurs le premier film d’animation classé X. Thierry Groensteen (École supérieure de l’image) conclut sur le triomphe de Persepolis de Marjane Satrapi (2000), « articulant histoire personnell­e de l’auteure et Histoire “avec sa grande hache” » . En Orient, on songe aux mangas lorsqu’on parle origines, puisque ces « images malhabiles » ou « esquisses fantaisist­es » remonterai­ent au viiie siècle. Popularisé­s par Hokusai dans le Japon du xixe siècle, ils connaissen­t une vogue stupéfiant­e, en particulie­r en France, premier marché d’exportatio­n : 15 millions d’exemplaire­s vendus en 2008, année record. Mais, à la différence des BD occidental­es, les mangas restent très « convenable­s », surtout depuis que les dirigeants en ont fait un vecteur du soft power, et donc s’étiolent dans la fadeur, souligne Jean-marie Bouissou (Ceri). L’entretien avec Jacques Tardi suggère une des raisons de la fortune de ce genre : « une façon de parler du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui » . De ce fait, le dessinateu­r regrette que les oeuvres soient désormais immédiatem­ent commercial­isées sous forme d’albums et non plus dans la presse, ce qui touchait un public plus large. Les témoignage­s d’enseignant­s expliquant comment ils utilisent la BD en cours, avec succès, lui donnent raison. n

Le Débat Directeur : Pierre Nora Éditions Gallimard, 5, rue Gaston-gallimard, 75328 Paris Cedex 07

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