XIIIE siècle : tous chrétiens ?
Tôt en contact avec le christianisme, les Scandinaves ne l’adoptent que progressivement.
Dans sa Chronique des temps passés, commencée au début du xiie siècle, le moine Nestor raconte comment en 987 le prince rus’ de Kiev Vladimir, encore païen, décide de changer de religion. S’offraient à lui trois possibilités : l’islam, le christianisme latin et le christianisme oriental. Il envoie dix hommes sages observer les trois cultes ; leur verdict est sans appel : « Nous sommes allés chez les Bulgares [musulmans], nous avons vu comment ils célèbrent dans leur temple que l’on appelle mosquée […]. Ils s’inclinent, s’assoient, regardent çà et là comme des possédés et il n’y a pas de joie parmi eux. Leur religion n’est pas bonne. Puis nous sommes allés chez les Allemands [chrétiens latins] mais nous n’avons rien vu de beau. Puis nous sommes arrivés en Grèce [chrétiens orientaux] et ils nous ont conduits là où ils servent Dieu et nous ne savions plus si nous étions dans le ciel ou sur la Terre ; car sur Terre il n’y a pas de telle splendeur. »
Même s’il faut le prendre avec précaution, ce témoignage nous montre les contacts établis très tôt entre les populations scandinaves et les monothéismes. Avant les missionnaires, qu’on trouve en Scandinavie dès le ixe siècle, les marchands chrétiens, et en particulier frisons, très présents dans les ports, y ont fait pénétrer leur religion. A Birka par exemple, une église aurait été construite au ixe siècle pour répondre à leurs demandes.
Changer les pratiques
Déterminer à partir de quel moment les populations scandinaves sont véritablement devenues chrétiennes n’est pas aisé. Surtout, il faut distinguer christianisation et conversion. La première est un processus qui s’étend sur trois ou quatre siècles, avec des phases d’accélération – à commencer par l’expansion viking – et d’autres de transition : un temps, la religion scandinave a pu intégrer le Dieu chrétien sans renier Odin et les siens. Le moule du forgeron ci-dessus est un témoin de cette étape. Et des fouilles ont mis au jour des individus enterrés avec des symboles des deux religions. La conversion est l’acte par lequel un souverain change officiellement de religion – ce qui ne signifie pas que les habitants de son royaume font de même. C’est le cas, par exemple, du roi de Danemark Harald à la Dent bleue : il se convertit vers 960, certainement pour sceller son alliance avec l’empereur germanique qui lui avait permis de conserver le pouvoir.
Une Église commence à se structurer en Scandinavie au xe siècle ; des évêques francs interviennent au Danemark dès le milieu du xie siècle ; l’islande reçoit son premier évêque en 1056, le Groenland en 1124 et la Finlande au début du xiiie siècle. Tous oeuvrent à la construction d’un tissu paroissial, qui n’est achevé qu’au xiiie siècle dans certaines régions, et à l’autonomisation de l’église vis-à-vis des pouvoirs politiques. n