mortelle du xixe siècle, est un acquis de la Belle Époque plutôt que du romantisme.

Ce basculement est une transformation longue et qui s’inscrit dans différentes logiques historiques : dans l’évolution des savoirs scientifiques, des cultures sensibles, ainsi que des questions sociales et des défis politiques. En France, le choc de Sedan en 1870, la modernisation des campagnes, la montée simultanée du régionalisme et de l’antisémitisme (« cosmopolite »), participent tous de ce long moment où l’on est passé d’un mal du pays dangereux pour la santé à une nostalgie des terroirs, source d’enracinement et de ressourcement.

En Algérie et dans les autres colonies françaises (ainsi que britanniques), cette transformation s’esquisse dès le milieu du siècle, dans les débats sur l’acclimatation des Européens dans les pays chauds et la dégénérescence des races. Dans un premier temps, ces théories ont tendance à éclipser la nostalgie, substituant aux vertus du « pays natal » celles bien plus concrètes du « climat natal ». Mais bientôt la crainte d’une créolisation devenue synonyme de dégénérescence pousse à une revalorisation de l’attachement au pays, désormais point d’ancrage d’une identité française à préserver coûte que coûte loin de la métropole.

Dès lors, la nostalgie devient un sentiment bienvenu, à cultiver chez les colons qui cherchent à recréer un décor qui leur rappelle celui du pays, avec sa mairie, son kiosque à musique, ses noms de rues familiers, etc. Paradoxalement, on en arrive ainsi à célébrer les qualités colonisatrices des Bretons et d’autres populations rurales précisément en vertu de leur esprit de clocher, désormais gage d’un enracinement abouti dans ces « nouvelles Frances » d’outre-mer.

Cette dynamique est à l’oeuvre dans Les Enfants de Marcel (1887), le roman pédagogique d’augustine Fouillée (connue sous le pseudonyme de G. Bruno) qui fait suite à son Tour de la France par deux enfants (1877), où les héros trouvent enfin « leur » pays (une ferme baptisée « PetiteAlsace ») dans la province de Constantine.

Cette histoire rocambolesque d’une nostalgie qui, de pathologique, devient source de ressourcement, ne remet donc pas seulement en cause l’hypothèse d’une émotion transhistorique et naturelle à l’espère humaine ; elle témoigne aussi des souffrances qu’une société admet et des valeurs qu’elle promeut. Ainsi, s’impose à la fin du xixe siècle l’idée (ou « tradition inventée ») qu’il y aurait une identité française essentielle, ancrée dans le pays et son clocher, et qui préexisterait à tout contact avec l’autre. n