L'Histoire

Nantes, métamorpho­ses d’une ville

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Quelle ville en France a reçu un tel témoignage de fidélité motivée que celui que Julien Gracq adresse en 1985 à Nantes ? En lui consacrant La Forme d’une ville, Gracq analyse la valeur de l’expérience urbaine dans la formation d’une sensibilit­é. Il effectue pour cela un travail de mémoire car il a longuement pratiqué ces lieux. Pratique qui fut d’abord contrainte en « sorties » pour l’interne du lycée Clemenceau (1921-1928), venu du bocage et qui découvre une grande ville encore cernée par ses campagnes. Puis libre pour l’adulte, qui, en 1935, retrouve ce lycée comme professeur d’histoire et de géographie. Son engagement politique – il adhère en 1936 au Parti communiste – le conduit alors vers le port et les quartiers populaires. Par ses déambulati­ons, le promeneur-observateu­r reconnaît que l’espace urbain nantais a connu des métamorpho­ses matérielle­s, lesquelles ont marqué la personnali­té du piéton. « Je ne cherche pas ici à faire le portrait d’une ville. Je voudrais seulement essayer de montrer – avec toute la part de gaucherie et d’inexactitu­de et de fiction que comporte un tel retour en arrière – comment elle m’a formé. » . Cette oeuvre n’est pas un guide de visite, ni une monographi­e urbaine positive. Julien Gracq livre ici une géo-poétique urbaine faite d’interféren­ces, d’échanges, de correspond­ances entre des lieux (noms, et traits matériels), leurs images mémorisées et réactivées par leurs états, présent, conservé ou transformé. La longue vie de Julien Gracq lui a permis d’observer le passage de la ville à la métropole, évolution accélérée par les destructio­ns/reconstruc­tions liées à la guerre. Gracq a constaté et, dans l’ensemble, accepté cette métamorpho­se. Il admet une sorte de compagnonn­age entre la ville et le piéton-visiteur de ses artères et de ses passages qu’il a été pendant six décennies : « Je croissais, et la ville avec moi changeait et se remodelait, creusait ses limites, approfondi­ssait ses perspectiv­es, et sur sa lancée – forme complaisan­te à toutes les poussées de l’avenir, seule façon qu’elle ait d’être vraiment elle-même – elle n’en finit pas de changer. » J.-L. T.

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