Les mille visages de Tito
Tito. Une vie Joze Pirjevec
traduit du slovène par F. Gacoin-marks, CNRS Éditions, 2017, 694 p., 27 €. Tito fit longtemps rêver les révolutionnaires qui refusaient de se laisser aveugler par la grande lueur venue de l’est. Mais il fit tout autant frémir, au regard de la brutalité avec laquelle il élimina sans pitié ses opposants, Tchetniks et Oustachis avant tout. La biographie que propose Joze Pirjevec, un universitaire slovène, aide à se forger une idée nuancée de l’homme qui veilla, de la libération à 1980, aux destinées de la Yougoslavie. En rappelant d’abord le rôle éminent que le résistant joua pendant la Seconde Guerre mondiale. En se penchant, ensuite, sur la rupture avec le grand frère soviétique qui fut loin d’être définitive. Car si Belgrade revendiquait le droit de frayer sa propre voie vers le socialisme, elle soutint bien souvent Moscou, lors de la crise de Cuba par exemple. Le non-alignement prôné par Tito fut donc asymétrique, bien que l’occident ait soutenu, par éclipses, un petit pays qui résistait aux prétentions hégémoniques de l’union soviétique. Tito, enfin, ne maintint l’harmonie entre les républiques yougoslaves qu’en usant de la répression. Dix années après sa disparition, en 1980, la République éclatait, signe que l’unité imposée aux forceps n’avait été qu’un leurre. L’homme, courageux mais mégalomane, séducteur mais brutal, ne saurait se réduire à une
caricature. Tel est le pari réussi de cette biographie monumentale dont on déplorera, seul bémol, le style parfois lourd.