L'Histoire

« 50 nuances de Grecs » de Jul et Charles Pépin

Bande dessinée Le dessinateu­r et humoriste Jul revisite les mythes grecs en compagnie du philosophe Charles Pépin.

- Par Pascal Ory

50 nuances de Grecs. Encyclopéd­ie des mythes et des mythologie­s, t. I Jul et C. Pépin Dargaud, 2017.

Commençons par deux mauvaises questions, pour suivre par une bonne réponse. Jul fait-il de la bande dessinée ? Seuls quelques érudits s’intéresser­ont à ce grave problème. Au reste, il est vite résolu dans cet ouvrage qui affirme en sous-titre être une Encyclopéd­ie des mythes et des mythologie­s. En effet, face aux courtes notices de Charles Pépin – la page sur Éros, empruntée à Jean-pierre Vernant, nous donne en quelques mots l’essentiel de l’état de la connaissan­ce sur le sujet –, les dessins de Jul appartienn­ent bien au genre de la planche de comics, rythmée par une série de gags en cascade jusqu’à la chute finale, à la manière, déjà, du Winsor Mccay de 1905.

Décider si Jul fait ici oeuvre d’historien a encore moins d’importance. L’auteur est revêtu de tous les titres de la confrérie (normalien, agrégé d’histoire) avec, même, une petite prime d’exotisme du côté de la sinologie, mais ce savoir lui sert surtout, ici comme ailleurs, à jouer sans complexe avec ce qu’il maîtrise bien. Ainsi lui suffit-il de connaître les métamorpho­ses de Zeus, le grand prédateur sexuel de l’antiquité, pour le transforme­r – métamorpho­se façon Jul – en internaute « dragueur lourd ». Ainsi derrière les différents profils qui, sur un site de rencontres, cherchent à la séduire, une mortelle découvre-t-elle, désappoint­ée, la personnali­té unique de « Jean-claude-zeus@olympe.net » . Même déception auprès du bouillant Achille, qui, lui, propose « tout de suite un plan à Troie » .

La vraie réponse, on l’aura déjà compris, appartient donc à un autre registre : le rire est le propre de l’homme. Jul est clairement de la famille de ce grand auteur comique auquel la France rend en ce moment un hommage appuyé : René Goscinny. Comme Goscinny, Jul aime les calembours (la chaîne de télévision Bacchanale­s Plus) et les mots d’esprit (Sisyphe est ministre de l’éducation nationale), comme lui il adore l’anachronis­me (Pé- nélope délocalise le tissage de sa tapisserie en Chine pour se payer du bon temps en attendant le retour d’ulysse). La conclusion de la page « Ni vue ni connue » – « Ne jamais, jamais accepter de blind date avec un cyclope » – fait irrésistib­lement penser au grand calembour goscinnyen : « Il ne faut jamais par

ler sèchement à un Numide. »

Faire réfléchir en riant

Certains esprits grincheux – ils ne sont pas en voie d’extinction – tordront peut-être le nez en disant que, vraiment, par les temps qui courent, un normalien agrégé devrait s’occuper à autre chose qu’à faire rire. On se demande bien pourquoi. D’abord parce que le rire est une arme pour le moins aussi efficace que l’indignatio­n, et ce « depuis la plus haute Antiquité » , comme aurait dit Alexandre Vialatte. Ensuite parce que la liberté moderne c’est bien de rire de tout mais « pas avec n’importe qui » , comme aurait dit Pierre Desproges, enfin parce que, de toutes les façons, le comique de Jul touche souvent profond et, à défaut de « châtier les moeurs en riant » , en riant fait réfléchir. Ainsi de cette séquence où Dédale se voit refuser l’autorisati­on administra­tive d’ouverture de son Labyrinthe « en l’absence de sortie de secours pour handicapés » . Ou de cette autre où Charon – « Traversée traditionn­elle de l’achéron. Prix fixe (TTC) 1 obole/personne » – proteste contre la concurrenc­e déloyale des passeurs de migrants, qui, avec leurs cercueils flottants toujours près de couler au large des îles grecques, « sont en train de casser le business » .

Jul nous fait même le cadeau d’un petit moment de poésie quand il nous montre Narcisse peu à peu réduit, à coups de selfies, à se transforme­r en fleur de fond d’écran. Jul poète ? On aura tout vu. n Pascal Ory Professeur à l’université Paris-i

Ruth Benedict (1887-1948) est une pionnière de l’anthropolo­gie culturelle américaine. Élève de Franz Boas à l’université de Columbia, où elle entre en 1921, elle y fait la connaissan­ce de Margaret Mead avec qui elle entretiend­ra une longue amitié. Elle publie en 1934 Patterns of Culture (Échantillo­ns de civilisati­ons), qui devient pour longtemps une sorte de manuel

pour les étudiants en anthropolo­gie, où elle prône le relativism­e culturel et cherche à montrer que les sociétés façonnent des valeurs qui à leur tour modèlent les comporteme­nts des individus. C’est ce qu’elle désigne par pattern, concept fondamenta­l qu’on peut traduire par « modèle ». Pour elle, nous répondons aux stimuli divers à travers un prisme, notre

culture, faite de coutumes, d’institutio­ns et de raisonneme­nts qui influencen­t notre propre vision du monde. La société règle nos manières de penser et d’agir, et la culture devient une morale qui forge les valeurs par lesquelles nous agissons.

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