« Les Gardiennes » de Xavier Beauvois
Un « western rural »
Les Gardiennes est un film de guerre, mais une guerre que l’on livre sans armes à la main ; quant à la guerre, la « grande », la « vraie », elle reste omniprésente bien qu’éloignée, provoquant des tensions et bouleversant les esprits comme les vies. Celles qui mènent cette guerre « en retrait », et pourtant en première ligne, ce sont les femmes. Le film leur rend hommage, les considérant la plupart du temps comme un collectif : un peuple féminin qui travaille, s’entraide et finit par se passer des hommes ; car ceux-ci sont à chaque fois fauteurs de trouble, par leur égoïsme, leurs querelles, leur virilité ou leur faiblesse, leur séduction ou leur orgueil. Ce collectif est filmé comme tel, grand corps féminin, dans les plus intenses séquences des Gardiennes, celles des semences, des moissons, du battage des grains.
Xavier Beauvois enregistre alors une modernité à l’oeuvre, moins celle du féminisme – puisque ces femmes ne sont pas des militantes – que celle de la survie. Car survivre impose de faire des choix audacieux. C’est le cas par exemple de la modernisation de la ferme : puisque la force des hommes manque, il faut s’équiper, et Hortense acquiert la toute nouvelle moissonneuse-lieuse qui, sur le modèle américain, peut révolutionner le travail agricole. Du groupe des femmes s’émancipe bientôt Francine. Elle prend en main son destin, décide de vivre seule, sans les hommes englués dans l’histoire, incapables de surmonter leurs différends et leurs pulsions. C’est elle qui va finir par mener le combat féministe. Entre tableau réaliste, saga féminine et fresque austère à la John Ford, Xavier Beauvois a composé une sorte de « western rural » où les cow-boys seraient remplacés par des cow-girls. n Antoine de Baecque
À VOIR
Les Gardiennes X. Beauvois, en salles le 6 décembre.