Au sein du PS, pas d’accord sur l’accord
Alors que tous les eurodéputés socialistes français ont voté contre le traité, Matthias Fekl, porte-voix des négociations, vient de rejoindre l’équipe de Hamon, anti-Ceta.
Les douze députés européens socialistes ont voté d’une seule voix. Contre le traité de libre-échange entre l’UE et le Canada. En bons frondeurs, ils sont allés à rebours, à la fois de leur groupe (les socialistes et démocrates), majoritairement favorable au Ceta, et du gouvernement français, qui a soutenu le texte par la voix du secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur, Matthias Fekl. Ce dernier, 39 ans, se retrouve dans une position délicate. Etoile montante du PS, légitimiste vis-à-vis de Hollande et de son bilan, il vient pourtant d’intégrer le Conseil politique de campagne de Benoît Hamon. Or ce dernier a toujours été un farouche opposant du Ceta.
Règles justes. On imagine bien qu’ils n’ont pas pu faire l’économie d’une discussion sur ce point, mais impossible d’en savoir plus. «Matthias Fekl est en déplacement aux Etats-Unis, nous fait savoir un collaborateur, mais son avis sur le Ceta n’a pas changé.» Une position qu’il résumait ainsi en mai 2016 : «A une économie mondiale doivent correspondre des règles mondiales et notre agriculture française, qui est extrêmement exportatrice, a besoin de ce type d’accord.» Le secrétaire d’Etat assure par ailleurs avoir bataillé pour «mettre des règles démocratiques, justes dans cet accord», comme il l’expliquait sur France Inter le 2 novembre 2016 : ratification par les Parlements nationaux, transparence sur les négociations, remplacement des tribunaux d’arbitrage privés par un mécanisme public… «Je ne crois pas que ce soit un accord historique», précisait-il mais le texte est à ses yeux «positif».
Benoît Hamon a admis mercredi dans un communiqué que «certaines des conséquences les plus nuisibles de l’accord ont été améliorées». Mais reste convaincu qu’«il n’est pas possible d’accepter un traité dont les négociations se sont faites dans l’opacité, et dont les conséquences seraient notamment la possible libéralisation d’un certain nombre de services publics, la menace […] sur les agriculteurs européens ou encore le manque de clauses écologiques contraignantes», ajoute-t-il, promettant qu’il suspendrait «immédiatement» l’application du traité s’il était élu. Ce qui paraît très compliqué car la grande majorité du traité ne relève pas des compétences nationales.
«Juste échange». Derrière Hamon, Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy fait partie des frondeurs socialistes anti-Ceta de Strasbourg. Mais elle n’a pas été étonnée du résultat et explique qu’il n’y a «rien de surprenant» non plus à l’arrivée de Fekl auprès du candidat socialiste. «Matthias Fekl n’était pas enthousiaste à 100%, mais considérait ce texte comme meilleur que le Tafta. La position des socialistes français est claire : nous sommes pour le commerce international, mais en protégeant les citoyens. Au fond, Matthias est comme nous sur la logique du “juste échange” au lieu du “libre-échange”», justifie l’élue. Son collègue Emmanuel Maurel, qui ignorait le ralliement jusqu’à notre coup de fil, est plus dubitatif. «On a eu le débat sur le Ceta avec Fekl et on n’a pas été convaincus par ses arguments. Je ne pense pas qu’il changera de position mais ce serait plutôt à lui de faire un pas», estime le socialiste. Pourtant, il est convaincu qu’une «synthèse» sera trouvée. «On va reprendre notre bâton de pèlerin pour convaincre les camarades», annonce cet ancien soutien d’Arnaud Montebourg. «Les parlementaires et les socialistes vont évoluer sur la question», abonde Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy. Des discussions risquent fort de s’imposer en effet car le débat sur le Ceta va rebondir en France: le texte sera présenté pour ratification aux parlementaires après les élections de mai.