Le FN, habitué aux déconvenues des seconds tours, espère cette fois décrocher une quinzaine de sièges de députés. Un objectif plus qu’incertain.
Les législatives pour oublier la présidentielle
Pour le Front national, c’est l’occasion de rattraper une présidentielle décevante. Fort des 10,6 millions de voix obtenues par Marine Le Pen au second tour, le parti veut croire que les législatives déboucheront sur une «entrée massive» de ses représentants à l’Assemblée. L’expression figure dans l’argumentaire envoyé par le FN à ses candidats, où il est aussi rappelé que «Marine Le Pen a dépassé [au second tour] les 50 % dans 45 circonscriptions, et obtenu 45 à 50 % dans 67 autres». Soit 112 circonscriptions particulièrement favorables. Au niveau national, les sondages accordent environ 20% des voix au parti d’extrême droite. De là à imaginer une centaine des leurs sur les bancs de l’Assemblée, il y a un pas que ne franchissent pas même les frontistes les plus optimistes. Tous les scrutins récents l’ont rappelé, le second tour reste une épreuve redoutable pour le FN. Lors des législatives de 2012, ses candidats avaient totalisé 13,6 % des voix au premier tour, mais deux d’entre eux seulement l’avaient finalement emporté. A l’inverse, le Front de gauche avait récolté 6,9 % des voix au premier tour, mais obtenu 10 députés à l’issue du second. Le résultat est rendu encore plus incertain par la recomposition en cours du champ politique, la mauvaise fin de campagne présidentielle de Marine Le Pen, les divisions internes au FN, ou encore la volatilité des intentions de vote. Alors qu’un phénomène de sous-déclaration du FN a longtemps été constaté dans les sondages, c’est l’inverse qui s’est produit lors des régionales de 2015 et de la présidentielle, où le vote bleu Marine s’est révélé inférieur aux dernières enquêtes. «On pense avoir entre une trentaine et une quarantaine de parlementaires», a jugé jeudi le porte-parole Jérôme Rivière, ancien député UMP désormais candidat FN dans le Var. Peut-être plus réaliste, le véritable objectif du FN sera de constituer un groupe à l’Assemblée. Soit un minimum de quinze députés, éventuellement avec Debout la France –même si plus grand-chose ne subsiste aujourd’hui de l’accord Le Pen–Dupont-Aignan. En quarante-cinq ans d’existence, le parti lepéniste n’a disposé qu’une seule fois d’un groupe parlementaire : entre 1986 et 1988, où il avait fait élire 35 députés à la faveur d’un bref retour au scrutin proportionnel. Plusieurs d’entre eux avaient rapidement fait défection, rejoignant les rangs de la droite ou des non-inscrits.
Au-delà du poids du FN dans l’opposition, l’identité de ses éventuels élus de 2017 pourrait influer sur l’avenir du parti. Parmi les candidats marinistes figurent en effet neuf eurodéputés, soit presque la moitié de la délégation bleu Marine» au Parlement européen : ceux qui l’emporteront devront alors choisir entre l’un et l’autre mandat. Et se voir remplacés soit par leur suppléant à l’Assemblée, soit par le suivant de liste au Parlement européen. Concernée par la question, Marine Le Pen ferait au Palais Bourbon des débuts observés et risqués, se trouvant plus exposée à Paris qu’à Strasbourg. Les résultats pourraient enfin peser sur les équilibres internes au FN : sur les 112 circonscriptions les plus favorables, 54 se trouvent soit dans les Hauts-deFrance, soit dans le Grand Est, contre une trentaine en Paca et dans l’ex-région Languedoc-Roussillon. Et sur les 20 meilleures circonscriptions, deux seulement ne se trouvent pas dans le nord ou le nord-est de la France. Si cette répartition se reflétait dans les résultats finaux, elle pourrait soutenir la cause de Florian Philippot, dont plusieurs proches sont candidats dans ces zones de force. D.Al.