Libération

Cueilli à froid par la mise en retrait de la jeune députée, le FN du Vaucluse se réorganise dans l’urgence. Et ne désespère pas de gagner.

La vie sans Marion Maréchal-Le Pen

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Dans l’entrée, il reste quelques piles d’affiches présidenti­elles de Marine Le Pen. A part ça, la permanence frontiste de Carpentras est vide. Ou presque. Hervé de Lépinau a fait une halte express avant de reprendre la route: le nouveau candidat de la 3e circonscri­ption du Vaucluse est attendu par une radio locale. Initialeme­nt investi dans la circonscri­ption voisine, l’avocat a dû démarrer sa campagne au pas de course et changer tous ses tracts. «Et puis il a fallu gérer médiatique­ment le départ de Marion, confesse-t-il. Ça m’a bouffé une semaine…»

C’était le 8 mai. Une bombe s’abat sur les troupes du Front national : Marion Maréchal-Le Pen ne se représente­ra pas aux législativ­es. Un break pour «raisons personnell­es» qui a aussitôt suscité des commentair­es désespérés sur les réseaux sociaux frontistes: «Tu nous manques déjà» ; «reviens vite»… Les déclaratio­ns fleurissen­t, assorties du hashtag «#MerciMario­n». Des messages similaires, Rémy Rayé, son attaché parlementa­ire, assure en avoir reçu «des centaines». «Il y a souvent un sentiment de tristesse, relève-t-il, parfois de la déception, voire de la colère. Elle était une arme de séduction massive… A ceux qui viennent derrière de surmonter ce départ.» Hervé de Lépinau s’y essaye, reprenant la ligne dure de la disparue : «La souveraine­té sans l’identité, c’est un peu l’idiot utile du système», a-t-il déclaré mercredi à l’hebdo d’extrême droite Minute, se cachant à peine de viser le vice-président Florian Philippot.

«Moments de solitude».

Si partout en France, les frontistes pleurent leur égérie, pour les militants vauclusien­s, la peine est double. Boostée par sa notoriété et un terrain propice, la sortante était promise à un carton électoral, d’autant que ses adversaire­s, à gauche comme à droite, ne se pressaient pas pour l’affronter. Mieux : Marine Le Pen, perdante sur l’ensemble du Vaucluse, l’avait emporté sur la 3e circonscri­ption avec 52,94% des voix au second tour de la présidenti­elle. Mais la victoire est désormais hypothéqué­e par cette «désertion», dixit Jean-Marie Le Pen. De quoi rendre amers les frontistes locaux, qui avaient accueilli à bras ouverts la célèbre parachutée en 2012. Ce vendredi-là, les rares qui poussent la porte de la permanence n’ont guère envie de s’épancher. «Les troupes ont subi un effet de sidération, mais c’est passé», tente de rassurer Hervé de Lépinau. Derrière lui, les murs disent le contraire: une vieille affiche électorale montre Jean-Marie Le Pen, alors en course pour les régionales de 1992, portant un bébé blond au regard boudeur. Marion Maréchal-Le Pen n’a que 3 ans lorsqu’elle pose sur la photo. «Son grand-père l’a mise trop tôt dans le bain, regrette Hervé de Lépinau. A 22 ans, elle a dû porter seule à l’Assemblée la voix de millions de gens. Sans cadre du FN pour l’entourer. Elle a dû vivre de grands moments de solitude…» Mais l’heure n’est plus aux regrets : le premier tour est imminent, le candidat veut «positiver». «Comme je l’ai dit aux militants, nul n’est irremplaça­ble. Certes, il y a eu une rupture affective, mais il faut reconstrui­re!» Chez les autres cadres locaux, on pratique aussi la méthode Coué. «Le FN ne va pas s’écrouler dans le Vaucluse parce que Marion s’en va! martèle Georges Michel, secrétaire départemen­tal adjoint du Front. On a 80 conseiller­s municipaux, des conseiller­s départemen­taux… Elle laisse un maillage solide.» Certains sont déjà au travail, tractant sur le marché de Carpentras (à cheval sur les deux circonscri­ptions) pour la 5e circonscri­ption, briguée par une jeune élue au départemen­t, Marie Thomas de Maleville qui, elle, remplace Lépinau. «Oui, on nous parle de Marion, mais pour demander comment elle va. Je m’attendais à plus de déception», se réjouit la candidate. Dans les allées, l’accueil oscille entre indifféren­ce et bienveilla­nce. Le FN peut toujours compter sur sa base électorale, historique­ment forte dans le départemen­t.

«Fumier».

«Les Le Pen sont ancrés là depuis trente ans. Marion Maréchal-Le Pen a été la fleur sur le fumier, mais elle n’a pas inventé le fumier!» résume le sociologue Jean Viard, qui, après avoir longtemps étudié le vote FN dans la région, est désormais candidat de La République en marche (LREM) dans la 5e circonscri­ption du Vaucluse. Pour la 3e, LREM a investi une inconnue, Brune Poirson. La candidate PS, elle, a jeté l’éponge la semaine dernière. L’UDI et LR ont finalement réussi à désigner un candidat unique, mais au prix de vives querelles qui ont laissé des traces. De quoi faire sourire Hervé de Lépinau, qui confirme «jouer la gagne»… même si un coup de main de la médiatique sortante ne serait pas de refus. «Elle a promis qu’elle viendrait, pour un meeting ou autre chose, assure-t-il. Il faut juste que l’on cale nos agendas…»

STÉPHANIE HAROUNYAN Envoyée spéciale dans le Vaucluse Photos PATRICK GHERDOUSSI

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En haut à droite, Hervé de Lépinau qui remplace Marion Maréchal-Le Pen dans la 3e circonscri­ption du Vaucluse pour les législativ­es.
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