Après le Brexit, quelle cité pour les exilés de la City ?
Le plus
Evidemment, l’atout majeur de Francfort, c’est la présence sur place de la crème du secteur bancaire, soit rien de moins que la Banque centrale européenne (BCE), la Bundesbank (première banque centrale de la zone euro) ou encore le contrôleur financier allemand BaFin. Sans compter les 180 salariés de l’Autorité européenne de surveillance (ABE), qui pourrait fusionner à terme avec les organes de contrôle de la BCE. Dire que la région dispose d’un réservoir en personnel qualifié dans les métiers de l’argent est un euphémisme. Autre avantage, la présence d’un aéroport international et un marché immobilier nettement moins tendu – comprendre moins cher – que celui de Londres. Avec, en plus, la construction de nombreuses tours de bureaux en plein centre, prêtes à accueillir les arrivants. Francfort compte aussi sur la bonne publicité de plusieurs déménagements annoncés. En décembre, UBS assurait – premier grand établissement à le faire– vouloir installer son siège européen à Francfort, suivie par la banque russe VTB, Goldman Sachs, Citigroup and Bank of America, JP Morgan et Morgan Stanley. Les autorités veulent croire que les établissements américains pourraient relocaliser un millier de leurs salariés en l’Allemagne. «Une banque chinoise, une japonaise, une coréenne et une indienne ont également déjà opté pour Francfort», se félicite Hubertus Väth, directeur de la société Frankfurter Main Finance, chargée par le Land de la promotion de la «City» francfortoise. Il fait ses comptes: «La banque japonaise veut délocaliser plusieurs centaines d’emplois, l’indienne quelques milliers…» Au total, un millier en 2017, et 10 000 à 20 000 d’ici à 2021. En Allemagne, le Brexit fait saliver.
Le moins
Vue du glamour de Londres, la provinciale Francfort n’a pas que des attraits. Pour les salariés de la City, possibles expatriés vers l’Allemagne, la plateforme Movinga s’est livrée à une étude comparative entre les métropoles candidates à la récupération des activités londoniennes. Pas brillant pour Francfort. Sixième position en termes de loyers, connaissance de l’anglais, taux d’imposition, développement de structures scolaires bilingues, coût de nettoyage d’un costume, prix d’une pinte de bière ou d’un abonnement dans une salle de sport. Derrière Dublin, Amsterdam, La Valette, Luxembourg ou Bruxelles…
Le joker
Volker Bouffier, chrétien démocrate proche d’Angela Merkel et chef du Land de Hesse (la région de Francfort) l’a peut-être dans son jeu. Il vient d’annoncer une possible réforme du code du travail pour alléger les conditions de licenciement des très gros salaires, supérieurs à 250 000 voire à 500 000 euros. Le modèle est le Royaume-Uni, qui favorise ainsi un turnover que la finance apprécie. Le patron du Land dit bénéficier du soutien de la chancelière et de celui du ministre des Finances, Wolfgang Schäuble. «Il faut retirer aux entreprises étrangères la peur du droit du travail allemand», résume-t-il.
Le point noir
L’image. Comme a persiflé Valérie Pécresse, présidente de la région Ilede-France, devant un parterre de financiers londoniens : «A quand remonte la dernière fois où vous avez emmené votre conjoint à Francfort?»
N.V. (en Allemagne)