Libération

La bataille entre places financière­s européenne­s est lancée. Objectif : récupérer une partie des services qui quittent Londres pour rester dans l’UE. Face à Francfort, Paris croit en ses chances.

- Par NATHALIE VERSIEUX Correspond­ante en Allemagne et SIBYLLE VINCENDON

Le plus

Faut-il vraiment le décrire ? Si Paris reste la première destinatio­n touristiqu­e mondiale avec plus de 12 millions de visiteurs par an, il doit bien y avoir une raison. Même si, pour attirer les banquiers de la City, la région capitale de la France doit mettre en avant d’autres qualités que celles de ses musées.

Elle les possède. Entre le métro, le RER et bientôt le Grand Paris Express, un système d’éducation public et gratuit de bon niveau, une main-d’oeuvre qualifiée, une offre de bureaux dernier cri, le deuxième

Après le Brexit, quelle ville attirera les banquiers de la City londonienn­e ? Privés de leur «passeport financier», autrement dit des facilités qui permettent aux membres de l’UE de traiter dans tous les pays de l’Union, les banquiers américains, suisses, asiatiques ou britanniqu­es vont devoir ouvrir une antenne sur le continent. Mais où ? Même si ce n’est probableme­nt pas plus de 20% de l’activité de la City qui sera délocalisé­e, et si les retombées concernero­nt sans doute plusieurs métropoles, le combat est âpre, en particulie­r entre Francfort et Paris. Depuis l’arrivée de l’europhile Emmanuel Macron aéroport européen avec RoissyChar­les-de-Gaulle, le quartier d’affaires de La Défense et 40% de la recherche et développem­ent du pays, le compte est bon. En outre, «Paris est la seule capitale européenne présentant un tissu économique diversifié. Toutes les synergies sont possibles», explique Alexandre Missoffe, directeur de Paris Ile-de-France Capitale économique. Ici, pas de mono-activité financière. De plus, la France dispose d’un statut fiscal de «l’impatrié», tapis rouge taillé sur mesure pour les hauts salaires venus d’ailleurs. Exonératio­ns d’impôts pour les rémunérati­ons à l’étranger et les stock-options, réduction de 50% pour les revenus en France: «Bien utilisé, ce régime fiscal est susceptibl­e de faire de la France un pays potentiell­ement attractif pour les cadres et dirigeants d’envergure internatio­nale», écrivent dans un article de Fiscalonli­ne.com Jérôme Commerçon et Xavier Colard, avocats chez Scotto et associés.

Le moins

à la présidence de la République, Paris, qui mène une campagne «agressive» (selon le Guardian), reprend espoir. Toutefois, Francfort est généraleme­nt placé en tête des pronostics, et il faut aussi compter sur les nombreux outsiders, comme Dublin, Luxembourg ou Amsterdam.

Ainsi, dans le seul pays anglophone de l’Union européenne, Dublin est-il un paradis fiscal qui abrite les sièges Europe de Google, Facebook, Twitter et LinkedIn. Le gouverneme­nt irlandais a promis aux arrivants d’éventuels des avantages fiscaux supplément­aires. Mais le marché immobilier local n’est pas au niveau de luxe qu’il faut pour ce genre de clientèle.

Le Luxembourg, qui affiche 143 banques, 800 milliards d’actifs gérés et un régime fiscal super attrayant sur son tout petit territoire, Justement, tout ce qui figure ci-dessus. Ville agréable, romantique, attirante, Paris ne serait pas prise au sérieux par ceux dont le métier est le business. Pour le Financial Times, la capitale française serait loin derrière Francfort dans la short-list des banquiers de la City. A cause de l’instabilit­é juridique et fiscale que les investisse­urs prêtent semble prédestiné pour accueillir les exilés du Brexit. Mais parce qu’il est tout petit, le grandduché n’a simplement ni le parc de logements ni les équipement­s suffisants pour abriter des milliers de nouveaux arrivants. Quant aux Pays-Bas, Uber, Tesla et Netflix ont déjà installé leur siège européen à Amsterdam. La ville n’a pas la culture d’une place financière, et elle le sait. Mais elle préfère mettre en avant son savoir-faire technologi­que autour des fintechs, son hub aéroportua­ire et sa situation géographiq­ue centrale. Toutefois, le pays n’a pas envoyé que des signaux amicaux à la finance : les autorités néerlandai­ses ont limité les bonus des banquiers à 20 % du salaire. Et le ministre des Finances, Jeroen Dijsselblo­em, a dit publiqueme­nt qu’il ne serait pas preneur des «excès» de la City ou de Wall Street. • à la France, Paris peine à prouver sa crédibilit­é de place financière. Une idée fausse étant un vrai problème, il faudra bien du talent de conviction à Gérard Mestrallet, président de l’associatio­n Paris Europlace, pour arriver à convaincre la City qu’avec «1,2 million d’emplois directs et indirects et 300 milliards d’euros de financemen­t pour les entreprise­s en 2015, l’industrie financière est au coeur de l’économie française qu’elle irrigue». Tel est en tout cas l’argument qu’il déploie sur le site d’Europlace avec le rappel, en gros caractères, que Paris est «la première place financière de la zone euro». Autre difficulté : même si la fiscalité a été améliorée pour accueillir les riches, les pouvoirs publics ne le clament pas sur les toits, par souci de leur opinion publique sans doute.

Le joker

C’est le Grand Paris. Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France (de droite), Anne Hidalgo, la maire de Paris (de gauche), et Patrick Ollier, le président de la Métropole (artisan du consensus entre les deux), arpentent les cénacles financiers avec à la bouche ce terme qui exprime la puissance. Mais également avec, dans leurs bagages, le plan du nouveau réseau de métro Grand Paris Express, 205 kilomètres de lignes et 29 milliards d’investisse­ment. Qui dit mieux ?

Le point noir

La mauvaise réputation. La France a une image de pays de la grève, méfiant sur «la finance qui est l’ennemi» et peu doué pour l’anglais.

S.V.

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PHOTO XAVIER POPY. RÉA Le quartier de La Défense à Paris.

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