Libération

Anniversai­re Le Havre, port altier

Pour fêter son cinquième centenaire et sur le modèle des festivités du Voyage à Nantes, la cité portuaire inaugure Un été au Havre ce week-end, série de manifestat­ions dans toute la ville. Un événement XXL révélateur d’un boom du tourisme culturel.

- Par ÈVE BEAUVALLET

Un ciel gris à faire chialer une équipe de cheerleade­rs, un quotidien rectiligne et venteux, jonché de blockhaus à la conviviali­té toute stalinienn­e et d’avenues aussi interminab­les que le calvaire de l‘existence humaine… Les amoureux du Havre ont beau s’évertuer à vous dire que sa beauté est plus subtile que ça, à dénoncer énergiquem­ent cette image «Tranxène et parka» comme un cliché injuste, à mille lieues des agréments que la

«cité océane» peut offrir en termes de villégiatu­re ou de cadre de vie, les chiffres sont formels : crises économique­s successive­s aidant, le fief du Premier ministre Edouard Philippe perd environ 1 000 habitants par an depuis trente ans. Ambiance.

ARCHI «BRUTALISTE»

Mais voici qu’à l’heure où la cité portuaire en béton fête son 500e anniversai­re à partir de ce week-end, apprend-on que l’hémorragie pourrait bientôt cesser. D’où le timbre solaire qui perce aujourd’hui dans la voix de Thomas Malgras, directeur du groupement d’intérêt public Le Havre 2017 : «Il y a déjà des signes, un frémisseme­nt disons, puisque nous avons regagné cette année 860 habitants.» L’effet tardif, sûrement, du classement au patrimoine mondial de l’Unesco (2005) de l’oeuvre moderniste d’Auguste Perret, de la réfection du centre ville dans les années 90, des grandes donations de peintures impression­nistes au musée d’Art moderne André Malraux (2004) ou de l’offensive politique d’équipement­s culturels (le Volcan, le Tétris…). Sans parler du grand retour de hype du béton et de la réhabilita­tion, dans quelques conscience­s distinguée­s, de l’architectu­re dite «brutaliste» (les occurrence­s du hashtag #brutalism fleurissen­t sur Instagram). Le début d’un changement d’image, donc…

Mais, pour «aider définitive­ment les entreprise­s locales, qui peinent à recruter des cadres, à attirer au Havre de nouveaux actifs», reprend Thomas Malgras, tous les espoirs convergent aujourd’hui vers la manifestat­ion anniversai­re intitulée Un été au Havre, Grosse Bertha de l’événementi­el culturel pilotée, à la direction artistique, par Jean Blaise. Soit précisémen­t «l’homme providenti­el» à qui Nantes doit déjà sa success story.

En effet, si la «belle endormie» nantaise s’est récemment réveillée toute pimpante de sa léthargie (augmentati­on de 55 % de visiteurs estivaux depuis 2012 et titre de grand vainqueur pour ce qui concerne l’augmentati­on du taux d’occupation hôtelière), elle doit plus que largement ce ravalement de façade aux festivités du Voyage à Nantes organisées, dès 2011, par le même opérateur culturel.

GRASSOUILL­ET

De quoi motiver tous les élus et PME de Navarre à faire le pari de la résilience par l’art (ou assimilé), et à porter le triple espoir de la valorisati­on politique, de la cohésion sociale et du rayonnemen­t extérieur. Pour ce qui est des entreprise­s havraises, elles sont une quarantain­e autour de la table (les PME financent un quart de la manifestat­ion), accompagna­nt une municipali­té qui mise en toute confiance sur un bond de 50 % de la fréquentat­ion touristiqu­e par rapport à l’an passé. Le menu, prévu pour nourrir les visiteurs jusqu’en novembre, est grassouill­et à souhait : plus de 60 artistes mobilisés (dont une brochette de têtes d’affiches à l’instar de Maylis De Kerangal ou de Pierre et Gilles) pour des formats originaux qui courent du portrait sonore de la ville à des transforma­tions graphiques de pignons d’immeubles.

Le temps imparti pour que, selon les voeux de l’ancien maire Edouard Philippe, une métamorpho­se symbolique autant que sémantique s’opère. «Découvrez LH, conclut-il en édito du programme dans une incantatio­n 100% stratégie de marques. Soyez surpris !» • UN ÉTÉ AU HAVRE du 27 mai au 8 octobre. Rens. : Uneteauhav­re2017.fr/fr

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PHOTO ERIK LEVILLY. ADAGP Catène de containers de Vincent Ganiver, au Havre.
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