Libération

47 millions d’électeurs

- Par SYLVAIN PRUDHOMME

Ceux qui ont pleuré de joie le soir de la victoire de Macron. Ceux qui se sont sentis tristes. Ceux qui ont eu mal à la gauche. Ceux qui ont eu mal à la droite. Ceux qui ont applaudi la raclée infligée à Le Pen. Ceux qui ont pensé 10 millions de voix FN quand même. Ceux qui ne s’attendaien­t pas à être si émus. Ceux qui se sont pâmés. Ceux qui ont éteint la télé. Ceux qui s’envoient des photos de Brigitte. Ceux qui ne peuvent toujours pas le voir. Ceux qui ont regardé la passation. Ceux qui ont vu l’arrivée des ministres. Ceux qui déroulent les tapis rouges. Ceux qui les époussette­nt. Ceux qui passent l’aspiro. Ceux qui passent chaque fois leur tour. Ceux qui tiennent la porte de la voiture. Ceux qui préfèrent le scooter. Ceux qui vont à vélo. Ceux qui marchaient déjà depuis des mois. Ceux qui découvrent la marche. Ceux pour qui ça marche jamais. Ceux qui ne marchent pas dans la combine. Ceux qui en peuvent plus des marchés. Ceux qui boufferaie­nt du consultant. Ceux qui à poil les riches. Ceux qui à mort la Phynance. Ceux qui haussent les épaules. Ceux qui arrêtez mais arrêtez de voir le mal partout. Ceux qui aiment le nouveau gouverneme­nt. Ceux qui le trouvent culotté. Ceux qui se réjouissen­t de toutes ces nouvelles têtes. Ceux qui promettent du sport. Ceux qui donnent trois mois à Hulot. Ceux qui préparent déjà les banderoles de manif. Ceux qui attendent de voir. Ceux pour qui c’est tout vu. Ceux qui éternels rabat-joie. Ceux qui foutu pays jamais content. Ceux qui ont voté la mort dans l’âme au second tour et qui maintenant y croient. Ceux qui auraient pas parié un clou et finalement. Ceux qui attendent le grand soir. Ceux qui se frottent les mains. Ceux qui ont le bras plus long que les autres. Ceux qui ont la main invisible. Ceux qui la tendent. Ceux qui la lèvent. Ceux qui anathèment. Ceux qui invectiven­t. Ceux qui ricanent. Ceux qui jettent des bananes. Ceux qui les ramassent. Ceux qui veulent plus rien croire. Ceux qui sont las. Ceux qui ont peur. Ceux qui ont peur d’avoir peur.

Ceux qui sont sûrs qu’on leur ment. Ceux à qui on la fait plus. Ceux qui ont tout compris. Ceux qui t’expliquent la vie. Ceux qui se la racontent. Ceux qui te racontent leur vie. Ceux qui te fatiguent mais te fatiguent à râler du matin au soir. Ceux qui je te les foutrais au boulot moi tous ces fainéants. Ceux qui portent des tee-shirts. Ceux qui portent des costards. Ceux qui en achètent pour les autres. Ceux qui vont travailler. Ceux qui se lèvent tôt. Ceux qui se retroussen­t les manches. Ceux qui font vivre la France et en plus il faudrait qu’ils casquent. Ceux qui pendant ce temps branlent le mammouth. Ceux qui le dégraissen­t. Ceux qui cumulent. Ceux qui accumulent. Ceux qui préfèrent parler de diplodocus. Ceux qui ont un emploi fictif tellement fictif qu’ils vont pointer le matin au bar. Ceux qui le matin se lèvent légers. Ceux qui vous sourient dans le métro. Ceux sur lesquels tout glisse. Ceux qui vont à la piscine et à la médiathèqu­e.

Ceux qui paient leurs impôts de bon coeur. Ceux qui ont le coeur à gauche et le porte-monnaie à gauche aussi. Ceux qui sont de bonne humeur. Ceux qui aiment leur prochain. Ceux qui votent de bonne heure pour bien commencer la journée. Ceux qui adhèrent. Ceux qui ont rien contre, au contraire. Ceux que ça contrarie. Ceux qui se laisseront pas faire. Ceux qui ont bien l’intention de peser de tout leur poids. Ceux qui pensent que l’avenir est dans nos mains. Ceux qui votent utile. Ceux qui votent Lassalle. Ceux qui sont allés pique-niquer le 7 mai. Ceux qui adieu PS. Ceux qui adieu LR. Ceux qui bon débarras. Ceux qui ont retrouvé le moral. Ceux qui en tout cas c’est inédit. Ceux qui iront à la pêche le 11 juin. Ceux qui tirent leur chapeau à Macron. Ceux qui voudraient bien savoir ce qu’il va sortir du sien. Ceux qui l’attendent au tournant. Ceux qui on va morfler. Ceux qui ah ça Bruxelles ils sont contents c’est sûr. Ceux qui ont envie d’y croire. Ceux qui le vent se lève. Ceux qui rêvent de bon sens. Ceux qui bon sang c’est pas sorcier. Ceux qui on prend le meilleur de la gauche et le meilleur de la droite. Ceux qui comme si la droite la gauche ç’avait jamais été que des mots. Ceux qui des mots des mots des mots.

Ceux qui perlimpinp­in. Ceux qui demandent à voir. Ceux qui veulent pas rabattre l’enthousias­me ambiant. Ceux qui préfèrent se taire. Ceux qui en pensent pas moins. Ceux qui la prime à l’optimisme. Ceux qui admettent que c’est déjà beaucoup, à nouveau de l’optimisme. •

Cette chronique est assurée en alternance par Christine Angot, Thomas Clerc, Camille Laurens et Sylvain Prudhomme.

Ceux qui rêvent de bon sens. Ceux qui bon sang c’est pas sorcier. Ceux qui on prend le meilleur de la gauche et le meilleur de la droite. Ceux qui comme si la droite la gauche ç’avait jamais été que des mots. Ceux qui des mots des mots des mots.

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