Libération

Le gamin passionné à l’enthousias­me revendiqué

Biberonné à l’OM des années 90, vainqueur de la Ligue des champions, le chef de l’Etat lui est resté fidèle.

- R.La.

Un rêve de gosse: l’été dernier, pour ses premières vacances de président de la République, Emmanuel Macron s’est rendu à Marseille, et il en a profité pour passer une tête à la Commanderi­e, le centre d’entraîneme­nt de l’Olympique de Marseille. Une rencontre avec les dirigeants, l’entraîneur et les joueurs. Il a enfilé un short et un maillot pour disputer un petit match avec les pros. Le tout sans presse ni flashs. Sa manière de ne pas partager ce moment. Après son passage, les joueurs, tout sourire, ont publié des photos sur les réseaux sociaux. On avait du mal à déchiffrer qui était fan de qui.

Oreille.

Le chef de l’Etat a souvent mis en avant sa passion pour l’OM, l’un des clubs les plus populaires du pays. Durant la campagne présidenti­elle, après un meeting à Marseille et un match au Stade-Vélodrome, il déclarait : «Pourquoi je soutiens l’OM ? Parce qu’ils m’ont fait rêver ! Ils m’ont fait pleurer parfois. Ils m’ont fait vibrer.» Mercredi soir, il ne sera pas à Lyon pour assister à la finale de la Ligue Europa entre Marseille et l’Atlético de Madrid. La faute au sommet entre l’UE et les Balkans, à Sofia, en Bulgarie. Fichu calendrier. Il a pensé s’éclipser le temps de la rencontre. Une sorte d’aller-retour express. Mais il a très vite fait marche arrière afin de ne pas créer la polémique. Manuel Valls en sait quelque chose: en 2015, en plein congrès du Parti socialiste à Poitiers, le Premier ministre avait subi les foudres médiatique­s après avoir pris un avion, avec ses enfants, pour assister à la finale de la Ligue des champions entre le FC Barcelone et la Juventus de Turin. Du coup, à Sofia, Emmanuel Macron se débrouille­ra pour trouver un écran. Au pire, un de ses conseiller­s lui glissera l’évolution du score à l’oreille comme lors de la demi-finale, lorsqu’il était à l’autre bout du monde, dans le Pacifique.

Gloire. En privé, le président de la République parle souvent foot. Un soir, Daniel Cohn-Bendit, l’écolo en marche, lui a posé une question : pourquoi l’OM ? Macron a replongé dans son enfance, qui coïncide avec la période de gloire des Marseillai­s : l’ère Tapie, au début des années 90. Il garde en mémoire les buts de JeanPierre Papin, les dribbles de l’Anglais Chris Waddle et les tacles du Brésilien Carlos Mozer. Le 26 mai 1993, lorsque Marseille rafle la Ligue des champions –aucun club français ne l’a fait depuis – face au Milan AC, Macron a 15 ans. A la fin de la discussion, Cohn-Bendit comprend. Il dit : «Durant ma jeunesse, on était tous derrière le stade de Reims, ceux de sa génération, c’est Marseille.» Emmanuel Macron a également tâté le ballon. Son camarade de classe à l’ENA, Gaspard Gantzer, se sou-

vient des matchs de foot tous les jeudis après-midi à Strasbourg et à Paris, près de la tour Eiffel. Le futur président venait «régulièrem­ent». Il évoluait au poste d’arrière gauche. «Ce n’était pas le plus technique, mais il était accrocheur», estime Gantzer. Il n’a en revanche découvert que récemment la passion de son ancien condiscipl­e pour l’Olympique de Marseille. Il argumente avec un petit sourire: «Il a toujours aimé le foot, mais à l’époque il ne s’arrêtait pas de vivre pour un match, dans les vestiaires il n’a jamais parlé de Marseille, il préférait parler de philosophi­e et de Paul Ricoeur.» Gaspard Gantzer joue au jeu de la comparaiso­n avec son ancien chef, François Hollande. Selon lui, question foot, «Macron ne lui arrive pas à la cheville». Possible. Mais il y a une autre hypothèse: l’ancien ministre de l’Economie a peutêtre caché son jeu, celui qui lui a permis de dribbler Hollande afin de lui chiper sa place à l’Elysée.

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