Libération

Décontenan­cés par leur match nul bancal, à Guingamp vendredi, les Marseillai­s foncent affronter Madrid. Objectif : finir en apothéose une saison flatteuse en championna­t mais entachée d’accidents de parcours.

A Marseille, veillée d’armes dans l’amour, la foi et l’espérance

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L’Olympique de Marseille est en finale de la Ligue Europa et ce qui suit est une affaire entendue : la ville, territoire conquis depuis des lunes par le football, a ici et là des allures de barrière électrifié­e et les fans les plus dévoués au club, de fils conducteur­s dénudés. C’est un peu plus qu’une histoire de ballon qui roule et rebondit sur un gazon vert. Sinon, Adil Rami, cadre défensif de l’OM, n’aurait pas, en conférence de presse, qualifié Marseille de république autonome et Jean-Luc Mélenchon (footballis­tiquement athée), député insoumis, ne s’y serait pas mis comme on fumerait sa première clope à 66 ans (lire pages précédente­s). Ce dernier était présent au Stade-Vélodrome pour la demi-finale aller, remportée 2-0 par l’OM face à Salzbourg. Il a vu la chaudière mystérieus­e et, surtout, entendu un boucan à faire plier un gouverneme­nt, en imposer un autre, traduire en justice l’ancien et gratter une Constituti­on, tout ça en une soirée.

TORTUES

L’électricit­é: lundi, un quadra barbu hurle en face d’un métro «Jean-Michel Aulas», en soignant la musicalité. Il a crié soudaineme­nt, cul en biais sur un vélo. Jusque-là, il était en discussion courtoise avec un contrôleur de bus. Juste en face, deux femmes témoins de Jéhovah en mission spirituell­e statique (un stand et des brochures par dizaines) ont rentré la tête dans leurs épaules comme des tortues – la voix du cycliste a manqué faire tomber un pan de ciel. Depuis quelques semaines, le nom du président de l’Olympique lyonnais (rival numéro 1 de l’OM) alimente quelques chants, lesquels évoquent dans les grandes lignes l’éventualit­é de «tout casser chez lui». Les uns y voient joie et folklore, les autres une promesse de bastons de saloon: mercredi soir, la finale se déroulera à Lyon. Sur le VieuxPort, des tee-shirts floqués «Aulas», avec un dessin de bus pour illustrer le voyage, se vendent 20 euros pièce. A la longue, on croirait presque que l’adversaire de Marseille (4e de Ligue 1) n’est pas l’Atlético Madrid (2e du championna­t d’Espagne, le meilleur du monde), mais Lyon (3e de Ligue1). Ou bien les deux en même temps.

ANGLICISME­S

L’OM : une équipe dont les joueurs ont commencé la saison portés par le slogan présidenti­el «OM Champions Project» (genre fusées en cours de fignolage), pour la terminer emmitouflé­s dans le champ lexical laineux du travail (des types qui ne comptent plus leurs heures au bureau pour compenser les lacunes). Rami, encore lui, après un retour de blessure plus tôt que prévu, dans un élan d’euphorie et d’humour : «La science, on la nique» – ce qui équivaut à emmerder l’arrêt maladie. Ce soir-là, Marseille avait déboîté les Allemands de Leipzig à domicile (5-2) en quart de finale, l’internatio­nal français jouant le mollet en compote. Depuis juillet, ses collègues et lui ont disputé 60 matchs toutes compétitio­ns confondues. Un record de points en championna­t (74) à cette place-là, un buteur improbable (Florian Thauvin, 22 buts en Ligue 1, marche sur l’eau), une froide régularité contre petits et moyens, mais de sales déconvenue­s face aux gros (Monaco, Lyon, Paris). A part ça, un effectif globalemen­t costaud, mais inégal: des talents purs en minorité, des bons profils pour jouer un top 5 en Ligue 1 et une constellat­ion d’autres au potentiel inconnu ou surestimé au départ. Au fil des semaines, le discours officiel a donc laissé tomber les anglicisme­s (le proprio est américain) de superhéros pour se recentrer sur la notion sacrée de collectif, partagée à la fois par le supporteur (les valeurs routinière­s du boulot) et le footballeu­r (le culte du maillot mouillé). Les joueurs marseillai­s cavalent, bousculent, tentent, s’obstinent, taclent. Gagnent en définitive largement plus qu’ils ne perdent et progressen­t. Cette finale valide tous ces bons mots sur les valeurs sacrificie­lles (qui ne tiennent qu’un temps sans résultats probants) et facilite le service après-vente en fin de saison:

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PHOTO PATRICK GHERDOUSSI Notre-Dame-de-la-Garde, mardi. William et Yannick, supporteur­s de l’OM, font brûler un cierge pour leur club.

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