Libération

«Ils nous ont traitées de sales gouinasses avant de frapper»

Selon le rapport annuel de SOS Homophobie paru mardi, les violences en raison de l’orientatio­n sexuelle ou de l’identité de genre ont augmenté en 2017. «Libération» donne la parole à des victimes.

- Par VIRGINIE BALLET et CATHERINE MALLAVAL Photos ÉDOUARD CAUPEIL

Ce sont ces deux militants de l’associatio­n de lutte contre le VIH Aides, qui ont essuyé le 21 avril dernier à Poitiers (Vienne) : «Sale pédé, on va te faire la peau», avant de se faire tabasser par deux individus. Ou encore ce jeune homme de 25 ans, invectivé à Marseille (Bouches-du-Rhône) le 2 mai, alors qu’il sortait du métro pour aller faire ses courses. «Tu ne vois pas que c’est un sale pédé ?» a lancé son agresseur à ceux qui l’accompagna­ient, selon le témoignage de la victime paru dans la presse locale. Lui aussi a été roué de coups de pied et de poing au visage. Et ce couple de jeunes filles de 17 et 18 ans, qui, alors qu’elles prenaient le train à Pontoise (Val-d’Oise) en février, disent avoir été violemment bousculées. Cheveux et vêtements tirés. Là encore, les propos lesbophobe­s ont fusé : «Putains de lesbiennes ! Vous baisez ?» Il y a encore ce couple gay, agoni d’injures et de menaces de mort au début du mois de mars, alors qu’il faisait ses courses dans un supermarch­é des Hauts-de-Seine…

«PRÉOCCUPAN­T»

La litanie de récits de ce type, glanés dans la presse depuis le début de l’année 2018, pourrait se poursuivre jusqu’à l’écoeuremen­t, dans une France qui célèbre pourtant les cinq ans du mariage pour tous, et voit de plus en plus de familles homoparent­ales se former. Ces agressions physiques ou verbales sont hélas dans la droite continuité d’une année 2017 qui, selon le 22e rapport annuel de l’associatio­n SOS Homophobie paru mardi, révèle une hausse des coups. Ou du moins une hausse des témoignage­s d’hommes ou de femmes frappés en raison de leur orientatio­n sexuelle. «Les victimes témoignent de plus en plus, analyse Joël Deumier, le président de SOS Homophobie. Nous, quand on réagit, on passe parfois pour des rabat-joie. Mais il faut le faire. Car je crois qu’il reste encore une forme de tolérance face à l’homophobie, alimentée notamment par les discours bruyants de la Manif pour tous, Alliance Vita, Sens commun… Autant de gens qui ne représente­nt qu’eux-mêmes mais auxquels on ne ferme pas le clapet.» Et qui se sont largement fait entendre au cours des Etats généraux de la bioéthique. Un tour de chauffe avant l’ouverture de la procréatio­n médicaleme­nt assistée à toutes les femmes promise par le gouverneme­nt.

Preuve de la persistanc­e d’une homophobie latente quand elle n’est pas carrément violente, ces chiffres émanent des 1 650 témoignage­s et signalemen­ts reçus en 2017 par l’associatio­n, qui juge le bilan global «préoccupan­t» : après deux années de baisse en 2014 et 2015, le nombre d’actes LGBTphobes signalés l’an dernier a, comme en 2016, grimpé : + 4,8 %. Les manifestat­ions de rejet (62 %) et les insultes (52 %) sont les faits les plus fréquemmen­t relevés, devant les cas de discrimina­tion (34 %), de harcèlemen­t (20 %) et de menaces et chantage (19 %). Dans la majorité des cas, cette haine se manifeste dans la vie quotidienn­e mais aussi sur Internet (22% des cas).

«ORDINAIRES»

Plus inquiétant, ces agressions physiques qui repartent donc à la hausse après plusieurs années de baisse, avec 139 cas en 2017 contre 121 en 2016 (+ 15 %). Dans la même veine, le service statistiqu­e ministérie­l de la sécurité intérieure faisait état mardi de 1 026 infraction­s LGBTphobes rapportées aux forces de l’ordre en 2017. Parmi elles, 262 actes de violence physique ou sexuelle. Pour illustrer ce constat, Libération a recueilli les témoignage­s d’un homme et de deux femmes agressés (beaucoup de victimes qui se sont affichées sur les réseaux sociaux au lendemain de l’agression ne veulent plus raconter et cherchent surtout à tourner la page) : Nicolas, frappé un soir à Dieppe, et Chloé et Mathilde, traitées de «sales gouinasses» à la sortie d’une boîte parisienne avant d’être tabassées. Nous donnons aussi la parole à deux cibles de ces violences fourbes souvent qualifiées d’«ordinaires» que sont la transphobi­e et la lesbophobi­e. La parole est à Delphine, qui évoque la lesbophobi­e ordinaire et à Bertrand, transgenre maltraité verbalemen­t. •

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