Libération

«Nos Batailles», un père touché coulé

Guillaume Senez compose un film social autour d’un syndicalis­te que Duris peine à incarner.

- ÉLISABETH FRANCK-DUMAS

SEMAINE DE LA CRITIQUE NOS BATAILLES de Guillaume Senez avec Romain Duris, Laetitia Dosch… 1 h 38.

En salles le 10 octobre.

Nos Batailles nous demande de nous intéresser à un personnage dont rien, au début, n’est fait pour susciter un excès de sympathie. Olivier (Romain Duris) dirige une équipe de manutentio­nnaires dans un entrepôt type Amazon. Il est un syndicalis­te plein d’empathie, un père de famille aimant, mais incapable d’annoncer à un ami qu’il va se faire virer (ce qui conduit au désastre) et aveugle au profond mal-être de sa femme. Un matin, celle-ci le quitte sans crier gare, et Olivier doit se débrouille­r avec ce qui reste : les enfants, la culpabilit­é, les non-dits. Le deuxième long métrage du cinéaste franco-belge Guillaume Senez (Keeper) déroule autour de cette situation de départ, qu’on pourrait croire tirée d’un film de ses compatriot­es les Dardenne, un récit avançant avec retenue. Au questionne­ment souterrain qui l’habite (pourquoi la femme est-elle partie ?),

Nos Batailles ne propose pas de réponse simpliste, mais un ensemble délicat qui s’ancre dans des préoccupat­ions très terre à terre. Une forme d’angoisse et d’empathie monte, alors que l’on se demande comment Olivier ira chercher ses enfants, se débrouille­ra avec un salaire en moins, s’occupera de la petite qui ne veut plus dire un mot (les jeunes comédiens sont parfaits), tout en jonglant avec la rigidité de son cadre profession­nel. Toutes ces péripéties du quotidien, liées au casse-tête de l’imbricatio­n du travail dans la vie de famille (ou est-ce le contraire ?), sont déposées ici avec légèreté dans le flot du récit. Nos Batailles ne porte pas de jugement sur ses personnage­s, se contentant de constater les phénomènes de réplicatio­n intime, ou d’exploitati­on consentant­e, dans lesquels ils sont pris au piège. D’où vient le sentiment que quelque chose ne marche pas complèteme­nt? On apprenait, lors de la présentati­on à la Semaine de la critique, que le scénario ne comportait pas de dialogue mais des situations d’impro. Le résultat final dépend donc de l’intelligen­ce de jeu de chacun, et le solaire trio Laetitia Dosch, Laure Calamy et Dominique Valadié, incarnant les seconds rôles, semblaient s’en tirer mieux que le comédien vedette sur qui repose le film.

 ?? PHOTO CLAIRE NICOL ?? Romain Duris et Laetitia Dosch dans Nos Batailles.
PHOTO CLAIRE NICOL Romain Duris et Laetitia Dosch dans Nos Batailles.

Newspapers in French

Newspapers from France