Des espèces s’éteignent, d’autres prolifèrent
Chenilles toxiques, écrevisses increvables et frelons décapiteurs sont de ces «invasifs» qui participent à l’extinction.
Les pressions humaines sur la planète ne sont pas néfastes pour toutes les espèces. Certaines, qu’on appelle «invasives», en profitent pour gagner du terrain et n’hésitent pas à s’accaparer l’habitat et la nourriture de leurs voisins. Toutes introduites par l’homme, elles se multiplient en dehors de leur aire d’origine, se reproduisent et bouleversent leur nouvel environnement, grâce à une très forte capacité de dispersion, d’adaptation, et de prédation. D’après Céline Bellard, écologue à l’University College de Londres, «les invasions biologiques sont la deuxième cause d’extinction des espèces dans le monde». En 2017, la Commission européenne a dressé une liste de 49 espèces invasives où on trouve, entre autres, l’écureuil gris, le raton laveur, le corbeau, la grenouille taureau ou encore la jacinthe d’eau. Passage en revue des trois espèces invasives les plus symboliques.
L’écrevisse américaine
Avec leurs petits yeux globuleux et leurs grandes pinces rouges, les écrevisses américaines, originaires de Californie et de Louisiane, prolifèrent dans les étangs et ruisseaux de métropole. Elles remplacent peu à peu les deux espèces autochtones françaises que sont l’écrevisse à pattes blanches et celle à pattes rouges. Comestibles, les écrevisses américaines ont été introduites en France pour l’élevage, car elles se reproduisent en grande quantité, sont résistantes aux maladies (en particulier à la peste des écrevisses) et ne craignent pas la pollution. Mais cela les rend aussi beaucoup plus compétitives que les spécimens français. Une fois adultes, elles ne redoutent que les gros prédateurs (brochet, sandre, anguille, loutre, héron), dont une partie est en déclin. Pour lutter contre ces crustacés, le moyen le plus simple reste de les pêcher. Toute écrevisse américaine capturée doit être tuée avant son transport et il est strictement interdit de la relâcher en milieu naturel.
Le frelon asiatique
Membre de la famille des guêpes, le frelon asiatique sème la terreur chez les apiculteurs français. Reconnaissable à sa tête orangée et ses pattes aux extrémités jaunes, il s’est fait pour spécialité de capturer les abeilles à la sortie de leur ruche pour les décapiter et les démembrer plus loin, avant d’aller nourrir ses congénères. Originaire d’Extrême-Orient, le frelon asiatique a été introduit accidentellement près de Bordeaux en 2004. Depuis, il progresse vers le nord au rythme moyen de 78 kilomètres par an. Cette espèce invasive pose des problèmes de santé humaine (des réactions allergiques et certaines attaques ont conduit à des décès), économiques (déclin de la production de miel) et environnementaux, en bouleversant les écosystèmes dans lesquels il vit.
La chenille processionnaire du pin
Leurs gigantesques nids de fil blanc, qui étouffent les arbres, sont visibles de loin. Favorisées par une augmentation même minime de la température hivernale, les chenilles processionnaires du pin avancent de 4 kilomètres par an vers le nord de la France depuis dix ans. Alors que, dans les années 70, les températures forçaient l’insecte poilu à stationner au sud de la Loire, le réchauffement climatique a permis leur expansion continue. La chenille processionnaire du pin est ainsi en passe de conquérir la quasi-totalité du territoire français, à l’exception des zones froides en très haute altitude ou au nord. La toxine contenue par ses soies urticantes présente un danger pour le bétail, les animaux domestiques mais aussi les êtres humains. De plus, sa vorace activité réduit la croissance et fragilise les forêts de pins et cèdres. Pour s’en débarrasser, l’Inra recommande d’attirer les mésanges, friandes de ces insectes, en installant des mangeoires dans son jardin.
AUDE MASSIOT