Libération

En Irak, la victoire du nationalis­te chiite Moqtada al-Sadr agace l’Iran

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Ancienne bête noire des Américains, que sa milice avait durement combattus après l’invasion de l’Irak en 2003, et grand promoteur d’un nationalis­me irakien et d’un chiisme arabe distancié de l’Iran, Moqtada al-Sadr a gagné son pari. L’improbable alliance «Sayroun» qu’il a formée avec les communiste­s et d’autres petites formations laïques est arrivée en tête des élections législativ­es de samedi. La campagne menée par ses «marcheurs», qui manifestai­ent tous les vendredis depuis le mois de janvier sur la place Tahrir, dans le centre de Bagdad, contre la corruption qui ronge l’Irak a porté bien audelà des quartiers pauvres de la capitale irakienne où son mouvement est historique­ment implanté. En adoptant un nouveau discours inclusif pour toutes les composante­s communauta­ires irakiennes, le mouvement a séduit même les jeunes et les intellectu­els qui se tenaient à l’écart du jeu politique. Le succès de Moqtada alSadr est d’autant plus insolent que sa liste a devancé les deux autres qui ont fait campagne sur leur combat victorieux contre l’Etat islamique. Arrivée en deuxième position, l’Alliance de la conquête, des anciens du Hachd al-Chaabi («la mobilisati­on populaire»), supplétifs de l’armée contre l’EI, est soutenue par l’Iran. Quant au Premier ministre sortant, Haidar al-Abadi, tête de liste de la Coalition de la victoire, arrivée en troisième place, il bénéficiai­t de l’appui des occidentau­x.

Pour barrer la route au trublion, Téhéran, qui ne supporte pas le rapprochem­ent d’Al-Sadr avec l’Arabie Saoudite, a dépêché à Bagdad dès le lendemain des élections le général Qassem Soleimani qui intervient régulièrem­ent dans les affaires politiques et militaires irakiennes, mais toujours dans le plus grand secret. Le puissant patron des Gardiens de la révolution s’active ces derniers jours dans des tractation­s en vue de la formation d’un gouverneme­nt de coalition. Il a réuni les chefs des formations rivales, dont Haidar al-Abadi, mais aussi son prédécesse­ur, Nouri al-Maliki, qui s’était illustré par un degré de corruption inédit et par la défaillanc­e totale face à la conquête de l’EI en 2014. «Notre décision sera irakienne et à l’intérieur de nos frontières», a écrit Moqtada Sadr sur son compte Twitter. Visant clairement les ingérences iraniennes.

HALA KODMANI

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