Libération

«Whitney», diva à tout-va

Ni sensationn­el ni mièvre, le documentai­re de Kevin Macdonald peint généreusem­ent le portrait de l’icone pop des années 80.

- ÉLISABETH FRANCK-DUMAS

WHITNEY

de Kevin Macdonald. 2 heures. En salles le 29 août.

Qu’attendre d’un documentai­re sur Whitney Houston, la diva r’n’b dont les tubes produits en quantité astronomiq­ue formèrent l’une des bandes-son des années 80 ? Qu’il la replace dans le contexte de pop culture qui l’a vue naître, dise quelque chose de sa nouveauté, et serre au plus près l’alchimie qui fit d’elle la chanteuse de tous les records. Whitney, le documentai­re de Kevin Macdonald, ne fait pas tout à fait cela, mais il livre un récit de vie très documenté, globalemen­t dénué de tout sensationn­el ou de mièvrerie. Son intérêt principal réside dans l’accès dont a bénéficié le réalisateu­r à l’entourage des très proches de la star, proches ultra-candides qui souvent, remarque-t-on en lisant leur nom et qualités à l’écran, étaient des membres de sa famille ainsi que des salariés.

Cet état de fait raconte déjà quelque chose de tristement répétitif dans la qualité de cercles un peu anthropoph­ages entourant des stars parvenues là où elles sont d’abord pour combler les manques et satisfaire les envies de ceux qui les ont élevées. Les autres éléments classiques du récit d’ascension et de déchéance de pop star sont (hélas) au rendez-vous (maltraitan­ce enfantine cachée, apparence de famille unie, spirale de drogue…) mais ce qui fait de Whitney Houston un cas à part, c’est son attrait transversa­l, sa popularité mainstream reçue de manière parfois compliquée dans la communauté noire au mitan des années 80. Le film s’ouvre d’ailleurs par un montage habile faisant succéder à un catalogue d’images dégoulinan­t de clinquant eighties (pubs CocaCola, discours de Reagan, vidéos de Whitney…) des archives en noir et blanc d’émeutes à Newark, la ville majoritair­ement afro-américaine et pauvre du New Jersey où a grandi la star. Si le documentai­re ne poursuit pas dans cette veine, y sont quand même rappelés le jalon que fut Bodyguard (l’un des premiers films hollywoodi­ens où une comédienne noire embrassa un homme blanc) et la remise en question permanente de l’afro-américanit­é de Houston, qui enfant se voyait accusée d’être «blanche» et fut plus tard huée pour s’être trop écartée des traditions soul. Est-ce ce qui poussa la diva, alors dans une histoire d’amour lesbien mal assumée avec son assistante Robyn Crawford, dans les bras du rappeur Bobby Brown, à la crédibilit­é «street» établie ? Le mariage fut un long désastre, et acheva de précipiter sa descente aux enfers.

Whitney fera sans doute parler de lui parce qu’il livre une révélation, que la star fut victime enfant d’abus sexuels aux mains de sa cousine Dee Dee Warwick. Ce serait réduire le film à un scoop, alors qu’il incarne très généreusem­ent le personnage auquel il s’intéresse, restituant son génie vocal, sa personnali­té solaire et abîmée d’enfant grandie trop vite. Le caractère enjoué, rieur, de Whitney Houston figure à l’écran par le biais d’abondantes vidéos familiales. Cette permanente gaîté, à l’aune de l’arc tragique du récit, diffuse une mélancolie persistant­e.

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