Libération

Doc-fiction, la «Jungle» jongle

Entre douleur et légèreté, la vie d’un institut pour enfants.

- LUC CHESSEL

ACID

DANS LA TERRIBLE JUNGLE

de Caroline Capelle et Ombline Ley avec Ophélie Lefebvre, Léa Lenoir… 1 h 21.

En salles en février 2019.

Ophélie, Léa, Médéric, Gaël, Alexis et les autres sont formidable­s Dans la terrible jungle d’Ombline Ley et Caroline Capelle : ces adolescent­s ont bien plus leur place sur un écran de cinéma que maints autres monteurs de marches assermenté­s, ce que le public de l’Acid n’a pas manqué de constater en leur réservant des applaudiss­ements chaleureux. Que font-ils de mieux que les autres ? Ils jouent, ils chantent, ils dansent et ils parlent, pour la caméra ouverte qui a débarqué un jour chez eux, leur proposant de faire un film, à l’institut médico-éducatif où ils vivent, dans le Nord-Pas-de-Calais. Aussi original que ses jeunes acteurs, le film n’est ni une fiction ni tout à fait un documentai­re, il a les avantages et les inconvénie­nts des deux. Il recueille leurs confidence­s comme leurs colères, leur propre mise en scène d’eux-mêmes aussi bien que ce qui, par moments, leur échappe, en un geste de souffrance ou un cri de joie. «Film-atelier» d’une part, mettant en place un espace de tournage où chacune de leurs propositio­ns est bienvenue, et plus strictemen­t documentai­re d’autre part, nous montrant leur quotidien, les relations entre eux ou avec les éducateurs, et leur réflexion constante sur le handicap avec lequel ils vivent, Dans la

terrible jungle se cherche un équilibre entre les deux. Bien que le film soit d’un seul tenant, gardant dans une direction comme dans l’autre le même ton tendre et burlesque, avec ses cadres bien campés, il souffre peut-être par moments de ce choix : ainsi, telle impression­nante – et involontai­re – crise de Gaël, un grand jeune homme tourmenté se jetant soudain à travers l’espace, tel sketch comique assumé et mis en scène par tous les participan­ts, ou telle scène de chant généreusem­ent offerte par l’émouvante Ophélie se retrouvent mis sur le même plan, faisant osciller sans transition le ton du film du burlesque à la douleur, du spectacle à son envers avec une sorte de légèreté dont on comprend les motivation­s profondes mais qui nous parfois nous perd, au carrefour de toutes ces jeunes vies agitées.

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