Libération

Le cinéaste de 77 ans, après plus de vingt ans de tuiles puis une bataille judiciaire, aura fini par achever son film inspiré de Don Quichotte et le voir projeté en clôture du Festival samedi. Rencontre avec l’ex-Monty Python en goguette sur la Croisette.

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«Depuis le début, je ne le sentais pas, la production n’était pas bonne. Quand tout s’est cassé la gueule, une partie de moi a été soulagée: au moins ce n’était pas de ma faute. Une autre était déprimée, on avait travaillé tellement dur et puis j’étais persuadé que je ne trouverai jamais un aussi bon Don Quichotte que Rochefort», se souvient Terry Gilliam.

Pour autant, il n’aura de cesse de vouloir remettre le couvert. Il a été question de Robert Duvall et Ewan McGregor pour les rôles clés. Mais ses financiers le lâchent. Puis Owen Wilson et John Hurt comme nouveau tandem lancé à l’assaut des moulins à vent. Mais le vieil acteur apprend qu’il a un cancer. Fidèle à la chanson de la Vie de Brian Always Look on the Bright Side of Life, le cinéaste persévère. «Je pense que je me suis accroché parce que tout le monde me disait de lâcher. Les gens raisonnabl­es me rendent dingues», rit-il. Sa fille lui souffle l’idée d’un Sancho Panza beau comme Adam Driver. «Je ne connaissai­s pas cet acteur mais quand je l’ai rencontré, je me suis dit “yeah”. Il avait quelque chose de vraiment unique.» Quant à Don Quichotte, il sera joué par son compère de Brazil, Jonathan Pryce. «Cela faisait quinze ans qu’il me tannait pour le rôle mais je le trouvais trop jeune. Quand je l’ai vu récemment au théâtre, je me suis dit qu’il avait raison depuis le début.» Le scénario devient «plus autobiogra­phique», le cinéaste met en scène avec dérision son propre parcours du combattant. Et cette fois, c’est la bonne. «Le tournage était vraiment très perturbant : tout s’est très bien passé.»

En mai 2016, Terry Gilliam, au côté de son producteur Paulo Branco, annonce solennelle­ment et en direct de la Croisette : «C’est à Cannes que l’on découvrira l’Homme qui tua Don Quichotte.» Il n’imagine pas l’ultime tempête. Le film est prêt mais Paulo Branco – qui a quitté le navire – lui en dispute les droits jusqu’au dernier moment, menaçant de faire interdire la projection cannoise 2018. «Ce qui le rend dingue, c’est qu’on ait pu faire le film sans lui», commente le cinéaste. La justice tranche finalement in extremis en sa faveur, du moins quant à la bonne tenue de la projo cannoise. A l’impossible, Gilliam a été tenu. Reste à savoir si le public en sera reconnaiss­ant. «Pendant le tournage j’étais inquiet, je me disais que je ne pouvais que décevoir. Avec tout ça, les gens ont tellement fantasmé le film…» Avant de terminer l’interview en hurlant joyeusemen­t sa nouvelle devise : «Liberté, Egalité, Quixote.»

JULIE BRAFMAN Photo OLIVIER METZGER

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