Libération

Dans les rues de la capitale chinoise, échoppes et magasins de luxe affichent des scans pour payer via des applicatio­ns mobiles. Même certains SDF s’y mettent.

A Pékin, le QR code dans les petits papiers des Chinois

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Ala caisse de la plupart des magasins chinois, vous serez accueillis avec cette question : «Alipay ou Wechat Pay?» du nom des deux mastodonte­s développés par Tencent et Alibaba qui se partagent 90% du secteur du paiement mobile chinois. Exit donc l’espèce qui a longtemps figuré comme le roi incontesté dans un marché où les chèques et les cartes bancaires n’ont jamais pu s’imposer. Place désormais au QR code, ces petits scans qu’on peut comparer à des codesbarre­s. Ils sont placardés à la caisse des supermarch­és, au comptoir des plus grands magasins de luxe comme sur la devanture de n’importe quel boui-boui. Pour payer, rien de plus simple: scanner le QR code du magasin et ensuite pianoter la somme due, ou afficher son propre code-barre sur son téléphone et se laisser scanner. Une simple vérificati­on par empreinte digitale ou code secret suffit à valider la transactio­n. Chaque utilisateu­r de Wechat Pay ou Alipay a son propre QR code unique qui permet de recevoir de l’argent de la part de n’importe qui. Beaucoup de petits commerçant­s qui ne sont pas dotés de scanner en bonne et due forme se contentent d’imprimer leur QR code en grand et de l’afficher sur le mur de leur enseigne.

Petites offrandes.

La Chine est championne du monde des transactio­ns par mobile, avec un volume de 81 000 milliards de yuans (10 300 milliards d’euros) de janvier à octobre 2017. Une place de numéro 1 qu’elle doit aux 97,5 % de Chinois qui accèdent à Internet via un smartphone. Désormais, ces derniers privilégie­nt le paiement par mobile pour la moindre course. A Sanlitun, dans le quartier des ambassades, dans l’est de Pékin, une kiosquière raconte que «70 % des transactio­ns» se font par mobile, «même pour acheter une bouteille d’eau minérale de 50 cl à 2 yuans», soit 25 centimes d’euros, alors que 14 % des Chinois déclarent ne jamais transporte­r de liquide sur eux, d’après une enquête Ipsos. Le paiement mobile s’est invité partout, même dans les coutumes les plus ancrées. Aux anniversai­res ou lors des festivités du nouvel an, on s’envoie des enveloppes rouges dématérial­isées via

Wechat, l’applicatio­n à tout faire de Tencent, qui a lancé WeChat Pay en 2014. Lors du passage à l’année du chien en février, en moins de vingtquatr­e heures, 688 millions de Chinois se sont échangés ces petites offrandes, traditionn­ellement remplies de pièces ou billets de banque. A Sanlitun, on peut aisément passer sa journée à faire ses emplettes dans les magasins du quartier branché de la capitale sans sortir son porte-monnaie. Une échoppe de jus de fruits frais attire l’oeil des curieux. Sous le soleil encore estival, des badauds observent les mouvements d’un robot qui, seul, mixe et sert les boissons. Un employé est quand même chargé de prendre les commandes et nous prévient : «Evidemment, on accepte encore le liquide, mais je ne peux pas vous assurer d’avoir la monnaie sur un billet de 50 yuans», lance-t-il dans un éclat de rire, comme si notre requête paraissait absurde. Quelques mètres plus loin, à l’ombre des arbres qui bordent la rue Sanlitun sud, un octogénair­e fait la manche, armé d’un QR code autour du cou qu’il s’empresse de rapprocher des smartphone­s des passants. Lui ne possède pas de portable. Le QR code est rattaché au compte Wechat d’un «ami». Il assure que les gens préfèrent lui donner des billets, comme en atteste le pot à ses pieds, rempli de coupures d’un yuan. Payer via un téléphone est également réputé plus sûr chez les Chinois: «Avec Wechat Pay on ne risque plus de se faire refiler des faux billets», lance une Pékinoise avant de filer en taxi.

Raisins.

Mais le cash résiste encore, notamment auprès des plus âgés. Le mois dernier, un homme de 67 ans a eu maille à partir avec les employés d’un supermarch­é sans espèce de la province du Heilongjia­ng, dans le nord du pays. Il ne pouvait payer en liquide les raisins désirés, faute d’avoir un smartphone. L’accrochage a relancé le débat en Chine sur les laissés-pour-compte des avancées technologi­ques. Au parc Zhongshan, l’entrée de 3 yuans se fait uniquement en cash. Une bonne nouvelle pour les nombreuses personnes âgées qui peuplent le jardin logé à deux pas de la Cité interdite. ZHIFAN LIU Correspond­ant à Pékin

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