MATHIEU, EN JUSTICE CONTRE LES MUTILATIONS «IL N’Y A AUCUNE NÉCESSITÉ MÉDICALE À AGIR SUR LES ENFANTS INTERSEXES»
De la colère, beaucoup de colère. Voilà ce qui anime Mathieu Le Mentec, infirmier dans un hôpital pour enfants à Bordeaux, à l’origine en 2016 d’une plainte contre X pour les mutilations qu’il a subies enfant. Né intersexe en 1979 dans une maternité de Clermont-Ferrand, ce quasi-quadra aux drôles de lunettes, féru d’anthropologie, a en effet subi sept interventions chirurgicales entre ses 3 et 8 ans pour que son apparence corporelle soit conforme au genre masculin que lui avaient assigné des médecins à la naissance. «Cette action en justice est une démarche évidemment personnelle, mais c’est aussi un acte militant car je le fais pour toutes les personnes intersexes pour qui ces actes illicites sont aujourd’hui prescrits. Il n’y a aucune nécessité médicale à agir sur les enfants intersexes dans la mesure où la chirurgie n’est qu’esthétique.» Subjugué par l’Histoire de la folie à l’âge classique de Foucault, cet ancien diplômé de l’EHESS a mis des années avant de percer le «silence» entourant les vagues souvenirs qu’il a de son enfance ballottée entre services hospitaliers. Son adolescence à écouter Nirvana et Metallica et à se foutre du monde –«comme tous les jeunes de mon âge» – est marquée par des angoisses et «la solitude de ne pas être pleinement soi». Il raconte : «J’avais 25 ans quand j’ai entendu le mot “intersexe” pour la première fois. Ensuite, il m’a fallu dix ans pour que je prenne conscience de ma condition. La première difficulté des intersexes, c’est le tabou familial, l’absence de mots et le silence des médecins.» Soutenu par ses parents, il espère désormais obtenir réparation. Et l’apaisement.
Recueilli par F.Ba. Photo RODOLPHE ESCHER