Cap sur le succès, en avant toute
Il faudrait que le peuple écope sec pour que le cap du gouvernement soit atteint au plus vite, sinon ça va monter grave.
Si j’ai bien compris, la mission du gouvernement quel qu’il soit est de garder le cap. Le cap peut changer à l’occasion, s’infléchir, mais une fois qu’on en a choisi un, il faut s’y tenir, malgré les courants qui ne demandent qu’à vous entraîner ici et là. On ne change pas de cap comme de chemise ou de gouvernement. Garder le cap est capital pour le capitaine, c’est une affaire de courage et de grandeur, c’est l’image de la France. Parce que le cap, on ne l’a pas choisi au hasard parmi mille caps possibles. Le cap est unique, le cap, c’est le bien, ce que les Français (et les Françaises) peuvent espérer de meilleur. Tout le monde l’a à l’oeil, le cap, aussi bien ceux qui mènent la barque que ceux pour qui elle est menée. C’est à la fois bâbord et tribord, parce qu’on ne peut pas dire que Nicolas Hulot et Gérard Collomb laissaient à eux deux apparaître un cap immaculé, impeccablement tracé. Mais son avantage est qu’il n’est pas indispensable de l’attein- dre du moment qu’on l’a toujours dans le collimateur : viser le cap, fût-ce comme un horizon inaccessible, c’est déjà très bien. Cap sur la réduction du chômage et celle des inégalités, cap sur la paix dans le monde et le bonheur pour tous, cap sur 2022, son élection présidentielle et le nouveau cap qu’elle offrira aux électeurs et auquel participeront les candidats de tous bords.
On voit ce que les présidents perdent à changer de cap, même s’ils risquent de loucher à conserver perpétuellement les yeux sur le même. Ça ne s’est pas révélé une bonne idée de faire de la finance une amie, au demeurant pas rancunière, ni, tous comptes faits, de travailler plus pour ne pas gagner plus, ni d’en même temps avoir tous les emmerdes de la droite plus tous les emmerdes de la gauche. De loin, on ne voit jamais le cap comme ça. Il est toujours plus vert avant qu’on s’installe au pouvoir. Mais tout ça, c’est du pipi de cap, parce que le grand, le vrai, le gros cap, c’est de remporter les élections. Si ce n’est que les électeurs, ça fait des décennies qu’ils les gagnent à la majorité, et pourtant ils s’y retrouvent rarement en matière de cap, à moins que l’électeur sagace et modeste ait tout misé sur la suppression de l’ISF ou la défiscalisation des heures supplémentaires. Donald Trump, en voilà un qui sait garder le cap. Ce n’est pas parce que ses candidats sont accusés des pires ignominies qu’il dévierait d’un pouce de son soutien. Le cap, on l’a ou on ne l’a pas. Mais quand ils l’ont, certains ne peuvent pas le perdre. «Votez pour moi», c’est un message que tout le monde comprend et l’essence du cap.
Sur la route du cap, même en avançant lentement, on risque de rencontrer les sirènes. On fait des pauses, une fois à droite, une fois à gauche. Le cap est un furet, il est passé par ici, il repassera par là. Il y a des jours où une personnalité symbolise le cap à elle toute seule, et un autre jour où c’en est d’autres. Il faut être cap de ne pas changer de cap même quand la météo est sévère et que la houle gronde et la mer s’indigne et le climat se rebiffe. Il y a plein de petits caps qui permettent de naviguer au mieux vers le grand cap, c’est comme ça qu’on capitalise si on ne capitule pas. Si j’ai bien compris, la rumeur dit cependant qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, et le vrai problème, c’est quand le cap lui-même part en capilotade. •