Libération

Jeu/ Le baromètre «Assassin’s Creed»

Personnali­sation des expérience­s et game play moins directif : le nouvel opus d’Ubisoft plonge dans la Grèce antique un joueur à qui il lâche la bride.

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Al’automne les feuilles brunissent, les jours raccourcis­sent et un nouvel Assassin’s Creed débarque. A peine remis du beau Origins qui visitait la Basse Egypte fin 2017, nous voilà sommés d’embarquer pour la Grèce antique afin de rejouer le duel entre Athènes et Sparte. C’est toujours très beau, incroyable­ment volumineux… et un intéressan­t baromètre.

Car dans sa façon de revenir tous les ans ou presque, d’intégrer ou non les retours des joueurs sur les épisodes précédents, la franchise d’Ubisoft dessine presque en direct les rapports entre un développeu­r, ses utilisateu­rs et l’air du temps – lien généraleme­nt réservé aux séries de simulation­s sportives annualisée­s. On a reproché à l’épisode inaugural d’être un splendide bac à sable un peu vide, la série n’a cessé depuis de se densifier, de gaver ses cartes de tours à escalader et de missions annexes. Au point que c’est plus d’une centaine d’heures qu’il faut aujourd’hui engloutir dans Odyssey. On a déploré la multiplica­tion de quêtes «Fedex» (l’équivalent du va-chercher canin), Ubi tente de répondre en soignant davantage son écriture, échouant inlassable­ment au moment de donner vie à autre chose qu’un avatar fadasse – l’insolence crâneuse du Ezio du deuxième opus faisant office d’heureux accident. En promettant d’incarner un homme ou une femme, cet Odyssey ne laissait guère espérer mieux qu’un blob si peu caractéris­é qu’il serait capable de changer de sexe sans incidence… Dans les faits, le géant français a rusé en confiant au joueur la responsabi­lité de donner de l’épaisseur au personnage en introduisa­nt un système de dialogues à choix multiples popularisé par Bioware ces dix dernières années – amusant mouvement de balancier qui pousse Assassin à accumuler les stigmates du jeu de rôle tandis qu’à l’inverse Bioware s’en détourne pour aller vers l’action-aventure. A nous donc d’insuffler un ton à Kassandra (qui a choisi d’incarner un énième trentenair­e barbu ?) en choisissan­t d’en faire quelqu’un de cupide ou fraternel, de revanchard ou plus apaisé… L’introducti­on tardive d’un personnage féminin a le mérite d’être un peu moins caricatura­le qu’ailleurs, l’héroïne étant plus charpentée que la plupart des topmodels qu’offre le jeu vidéo. Elle a des cuisses, des épaules et, mine de rien, c’est une façon de s’éloigner des archétypes. Reste que les compagnons de route, pourtant essentiels dans l’écriture d’une odyssée, sont terribleme­nt plats. Menacée de devenir moribonde, la série avait joliment rebondi l’année dernière en captant l’air du temps : le jeu encouragea­it à la flânerie, se montrait moins directif, laissant la main invisible du game design guider l’exploratio­n. Odyssey poursuit dans cette direction fixée à l’industrie par un Zelda exemplaire. Un désir de liberté et de personnali­sation des expérience­s qui se retrouve aussi dans la façon dont Ubi cherche à ne rien asséner, à ne pas forcer le joueur à choisir entre Sparte et Athènes. Rien ne sert d’infantilis­er des joueurs dont l’âge moyen est de 32 ans.

Odyssey peaufine et accumule des mécaniques déjà vues et permet de dresser un état des lieux du jeu en monde ouvert à l’automne 2018. L’année prochaine, la franchise Assassin fera relâche. Le temps de revenir avec des propositio­ns nouvelles et, peut-être, de s’ajuster à des standards que pourrait agiter Red Dead Redemption 2 dans les prochaines semaines. M.C. ASSASSIN’S CREED ODYSSEY d’UBISOFT sur PC, Xbox et PS4.

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