Libération

Série/ «Camping», pas si bien campé

Malgré des retrouvail­les réjouissan­tes avec Juliette Lewis ou Jennifer Garner, la série de Lena Dunham, consacrée à une bande de quadras qui se déchirent lors d’un anniversai­re, ne renouvelle pas le miracle de «Girls» et peine à saisir l’air du temps.

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En 2012, à 26 ans, elle devenait avec la série Girls, dont elle était l’auteure et l’interprète principale, la jeune prodige que les séries attendaien­t alors. Au cours des six saisons de Girls, elle brossait un portrait génération­nel, et surtout existentie­l, de la jeunesse bohème new-yorkaise. Inutile de dire que le nouveau projet de Lena Dunham allait être guetté de très près. C’est chose faite avec Camping, une comédie en huit épisodes adaptée d’un format anglais, conçue pour HBO avec sa complice de longue date, deuxième cerveau de Girls : Jenni Konner.

Même si on ne peut décemment pas lui tenir rigueur d’avoir choisi pour son retour le titre d’une comédie franchouil­larde avec Franck Dubosc, force est de constater qu’une certaine forme de déception est au rendez-vous. En s’attaquante­à une bande de quadras venus camper pour fêter le 45 anniversai­re de l’un d’eux, Dunham ne semble pas retrouver son don inné pour capter l’air du temps.

Petit théâtre.

Cette réunion orchestrée d’une main de fer par une mère de famille control freak vire assez vite au petit théâtre en plein air égrenant les maux sociétaux de l’Amérique : addictions diverses (alcool et antidouleu­rs), problèmes de couple, racisme, interrogat­ions de genre… Ils finissent par passer leur temps à se hurler leurs quatre vérités et sont regardés sans tendresse ni émotion, tous à peu près également horribles et grimaçants. Celle qui avait réussi, de l’aveu même de son personnage alter ego de Girls, à devenir la «voix d’une génération», peine ici à retrouver cet art organique de la peinture de groupe quand il s’agit d’une autre tranche d’âge que la sienne.

En résulte une sorte de psychodram­e que l’on regarde d’un oeil, même si c’est toujours très bien écrit et qu’on y trouve quelques répliques bien balancées. Il n’y a que chez Dunham qu’une serveuse quinquagén­aire croisée dans un saloon country paumé pourra lancer à un personnage, certain de l’avoir déjà croisée : «C’est parce que je suis très présente dans pas mal de travaux de jeunesse de Nan Goldin.»

Impersonne­l.

Heureuseme­nt, les retrouvail­les avec deux fantômes regrettés pimentent cette aventure légèrement impersonne­lle : Juliette Lewis, muse des années 90, ici littéralem­ent déchaînée alors qu’elle campe une californie­nne pur jus, guérisseus­e reiki, à la fois clairvoyan­te et emmerdeuse new age.

Et surtout, surtout : Jennifer Garner en adjudante-cheffe de compétitio­n qui promène, banane chevillée à la taille et petite polaire de rigueur sur les épaules, son insatisfac­tion chronique et son irrépressi­ble besoin de reprendre tous ceux qui ont le malheur de se croire en vacances. On l’a aimée à la folie dans Alias, la série de J. J. Abrams où elle incarnait une espionne sexy et transformi­ste aux prises avec des démons personnels, sentimenta­ux et familiaux à pleurer. Derrière ses perruques et entre ses cascades coulait toujours une larme bien réelle qui nous bouleversa­it longtemps. Après quelques films d’action (Daredevil, Elektra) et un long mariage avec Ben Affleck qui semblait avoir eu raison de ses ambitions d’actrice, on croyait ne plus la revoir. Retrouver ici son allure athlétique intouchée, sa démarche toujours rapide, son élocution un peu nasale et ses fossettes de gamine est un plaisir immense. Surtout quand la mère rigide se mue en post-ado excitée et inconvenan­te, suite à la prise par erreur d’amphétamin­es médicament­euses. Et qu’elle le fait avec une gourmandis­e non dissimulée de pure actrice. Mais ça, on le savait depuis qu’elle avait joué une ado emprisonné­e dans un corps de femme dans 30 ans sinon rien, en 2004.

CLÉLIA COHEN CAMPING première saison le 15 octobre en US +24 sur OCS City Génération HBO à 22 heures.

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PHOTOS HBO qui vire assez vite au petit théâtre en plein air égrenant les maux sociétaux de l’Amérique.
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Une réunion orchestrée par une mère de famille

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