Libération

: Cinq sur cinq /

Sortis des coffres

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S’il n’est pas rare qu’une maison de disques refuse l’album d’un artiste, il arrive parfois qu’un musicien change d’avis et abandonne luimême un de ses projets. Dans ces cas-là, il finit généraleme­nt par refaire surface quelques années après.

1 Primal Scream

Give Out But Don’t Give Up, The Original Memphis Recordings (1993, 2018)

En 1992, un an après la sortie de leur album Screamadel­ica, marqueur sonore d’une génération, entre rock indé et house music, les Primal Scream sont anxieux. Leur label Creation veut un nouvel album. Se souvenant d’un séjour à Memphis où le groupe avait enregistré un EP, le chanteur Bobby Gillespie saute sur la propositio­n d’enregistre­r avec le producteur Tom Dowd, qui s’est fait un nom durant l’âge d’or d’Atlantic. Après cinq semaines de travail intense, les musiciens sont pris d’un gros doute à l’écoute du mix final : ils voulaient un album un peu punk dans l’âme, Give Out But Don’t Give Up est carré et roots. Revenus à Londres, ils abandonnen­t les bandes au label qui commande un nouveau mix à divers producteur­s, et l’album devient un Screamadel­ica rock’n’roll, bancal mais furieux. Fin 2016, le guitariste Andrew Innes retrouve une cassette du mix de Memphis au fond d’un carton et tombe sous le charme. Et vingtcinq ans après tard, le disque sort enfin dans sa version originale, brute.

2 The Cult Peace (1986, 2000)

Grisés par le succès de leur deuxième album, Love, les membres de The Cult sont en plein questionne­ment en 1986 : comme faire évoluer leur goth-rock psychédéli­que sans se couper de leur public ? Ils s’enferment en studio avec leur producteur, Steve Brown, accouchent de 12 titres, finalisent le mix… et détestent le résultat final ! A la réécoute de Peace, ils décident de tout reprendre avec un autre producteur. Le chanteur, Ian Astbury, et le guitariste, Billy Duffy, jettent leur dévolu sur Rick Rubin, producteur de 23 ans, à la tête de Def Jam, qui vient de travailler avec Slayer. Rubin accepte et, résolu à les faire sonner «rock» (il leur demande au premier contact s’ils tiennent à leur «musique anglaise de fiotte»), modèle The Cult pour les transforme­r en rejetons d’AC/DC. Succès commercial, Electric ouvre au groupe les portes des stades américains. Peace, lui, ressortira dans un coffret de raretés en 2000.

3 The Misfits Static Age (1980, 2001)

En 1980, le groupe de punk hardcore américain The Misfits se prépare à sortir son premier album, Static Age, quand il explose en vol, avec le départ de son guitariste, Bobby Steele. Les 12 titres du disque déjà enregistré­s serviront pour certains de singles, mais The Misfits se réinvente et adopte une imagerie de film d’horreur qui va faire sa (relative) gloire. Après deux albums, le duo fondateur, Glenn Danzig et Jerry Only, se sépare en 1983 et se brouille, jusqu’à se traîner devant les tribunaux. En octobre 2001, ils font pourtant front quand le label Caroline ressort Static Age sous le titre 12 Hits From Hell : The MSP

Sessions. Furieux du mastering, des notes du livret et de la pochette, ils mettent leur veto et obtiennent le retrait immédiat du disque. Les quelques exemplaire­s vendus en Europe juste avant servent depuis de masters pour les bootlegger­s qui le rééditent régulièrem­ent.

4 Bruce Springstee­n The Ties That Bind (1979, 2015)

A l’automne 1979, Bruce Springstee­n s’apprête à finir son cinquième album, que son label, CBS, compte sortir pour Noël. Springstee­n prend son temps pour choisir l’ordre des titres de The Ties That Bind et finit par juger qu’il n’a pas complèteme­nt creusé la thématique de l’album. La sortie est repoussée et il écrit durant toute l’année 1980. Tellement d’ailleurs que le disque devient double et que les nouveaux titres ne collent plus avec ceux déjà enregistré­es. The Ties That Bind est mis de côté, les masters rangés au coffre et, de 10 titres, Springstee­n passe à 19 (sans compter ceux laissés de côté). Le 17 octobre 1980 paraît The River, qui s’écoulera à 6 millions d’exemplaire­s aux Etats-Unis. The Ties That Bind réapparaît­ra, lui, en 2015 dans le coffret des 35 ans de The River.

5 David Bowie The Gouster (1974, 2016)

Lors de sa tournée américaine de 1974, David Bowie transforme son intérêt pour les musiques noires américaine­s en obsession. Captivé par la soul de Philadelph­ie qu’il entend à la radio, il décide de se rendre directemen­t à la source et réserve le studio Sigma Sound avec des musiciens locaux. Sept titres de «plastic soul» sont mis en boîte. C’est suffisant pour un album, qu’il intitule The Gouster. Quinze jours après le mixage, le producteur Tony Visconti reçoit un appel de Bowie qui l’informe qu’il a enregistré deux titres avec John Lennon et veut reprendre tout le disque. Plusieurs changement­s d’ordre et un nouveau mixage plus tard, The Gouster a disparu et laissé place à Young Americans .Il faudra attendre la sortie du coffret Who Can I Be Now ? [1974-1976] en 2016 pour que l’album refasse surface dans sa forme originelle.

BENOÎT CARRETIER

 ?? CAMERA PRESS/STEVE DOUBLE ?? Primal Scream en 1993, à l’époque de Give Out But Don’t Give Up, album qui ressort dans son mix original.
CAMERA PRESS/STEVE DOUBLE Primal Scream en 1993, à l’époque de Give Out But Don’t Give Up, album qui ressort dans son mix original.

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