A Strasbourg, LREM-LR bien placés face à une gauche éparpillée
L’ex-premier adjoint Alain Fontanel a fusionné sa liste avec celle du candidat Les Républicains, Jean-Philippe Vetter. Une stratégie droitière qui pourrait s’avérer payante.
municipaux. «C’est quand même pas mal pour un parti qui n’existait pas il y a quatre ans», insiste un conseiller présidentiel, oubliant au passage que la France en compte plus de 500 000. Au soir d’un premier tour délétère, seuls les ministres venus de la droite ont tiré leur épingle du jeu. L’épidémie de Covid-19 et son corollaire, une abstention historique, qui avaient nettement favorisé les maires sortants, devrait de nouveau jouer en faveur des LR et PS candidats à leur succession.
Côté majorité, les regards seront braqués sur Le Havre, où Edouard Philippe affronte un second tour plus serré que prévu, mais sans porter la casaque LREM. Si bien que le parti présidentiel pourrait se retrouver avec un seul hôtel de ville à ses couleurs, à Strasbourg, où son candidat allié à LR pourrait profiter d’une triangulaire (lire page 4). «Dimanche, ce ne sera pas un triomphe», euphémise le même conseiller élyséen. Maladie de jeunesse ou conséquence du «en même temps» présidentiel, les dissidences ont aussi miné la campagne macroniste. Dimanche à Annecy, l’exLREM Frédérique Lardet, alliée aux écolos, est en mesure de faire perdre le candidat officiel du parti présidentiel. Bien plus dommageable, la rivalité entre Benjamin Griveaux et Cédric Villani a fait tomber LREM de son piédestal à Paris après un solide 33 % aux européennes. L’implosion du candidat officiel, remplacé à la va-vite par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a fini de ruiner toute chance de s’implanter dans la capitale.
Brouillage des étiquettes
A Lyon, berceau de la légende macronienne, Gérard Collomb a donné le coup d’envoi d’un mouvement d’alliances municipales avec la droite, constituant un anachronique «front anti-climat» pour barrer la route à des listes d’union de la gauche tirées par des nouveaux visages verts. Front dupliqué depuis dans de nombreuses grandes villes, de Bordeaux à Clermont-Ferrand. Une «folie anti-écolo», a jugé Daniel Cohn-Bendit. Un choix électoral brouillant le «nouveau chemin» promis par Emmanuel Macron avant même qu’il ne soit présenté. Mais Yann Cucherat, poulain de Collomb en lice pour la mairie de Lyon, est le seul à qui LREM a retiré bruyamment son investiture. Le parti présidentiel a été bien plus discret sur le sort réservé à Alain Fontanel à Strasbourg ou Thomas Cazenave à Bordeaux, où les macronistes ont fait une excellente affaire électorale : treize places éligibles sur la liste du maire sortant LR, Nicolas Florian, et la vice- présidence de la métropole. «On n’aurait jamais obtenu ça dans un accord de premier tour», se félicite un dirigeant de LREM. Mais dimanche soir, c’est la victoire du juppéiste qui, le cas échéant, sera célébrée. Comme à Toulouse si Jean-Luc Moudenc, adoubé par LR et LREM, survit à la vague verte annoncée. Un brouillage des étiquettes qui ne dérange pas le premier cercle présidentiel, les yeux braqués sur 2022. «L’enjeu c’est la consolidation de notre socle des européennes, ces électeurs qui nous savent gré d’avoir tenu, d’avoir restauré l’ordre et le calme après les gilets jaunes», explique-t-on à l’Elysée. A droite encore et toujours donc. Ces alliances locales augurent de commentaires électoraux acrobatiques sur les plateaux télé dimanche soir, où les ministres ne seront pas légion. «Nous on sait déjà que ce sera une cata, reconnaît l’un d’eux. L’enjeu, c’est la capacité de la droite à relever la tête. Si dimanche c’est la renaissance d’un clivage gauche-droite et que tout l’ancien monde retrouve ses petits, ce sera vraiment compliqué pour nous. Si c’est une poussée verte comme aux européennes mais que la droite ne se refait pas une santé, on peut s’en sortir un peu mieux pour la suite.» Le dépassement est mort. Vive le dépassement? •
Alain Fontanel ne se déplace plus sans JeanPhilippe Vetter. Le tandem nettoie un parc, pose en maillot de foot, devant une avenue polluée, en plein footing… Sur les photos d’identité de la liste, la vignette de Jean-Philippe Vetter (LR), numéro 3, parité oblige, est bien plus grosse que la colistière numéro 2, Isabelle Meyer, peu connue. Tenus à distance en mars, les députés LREM ont réapparu sur la fin de campagne. A droite, peu de voix grincheuses enrayent cette nouvelle idylle. «Je n’ai pas la même ligne qu’Alain Fontanel, mais aucune des deux listes ne pouvait l’emporter seule. Ce n’est pas déshonorant de travailler ensemble», commente Laurent Furst, président de la fédération du Bas-Rhin.
«Complémentaire».
«Ce qui compte, c’est que chacun puisse faire son choix en 2022», ajoute Pascal Mangin, conseiller régional (LR) du Grand-Est dans une majorité avec LREM et colistier à Strasbourg. Dimanche soir, Strasbourg pourrait devenir la plus grosse prise de LREM. Les deux hommes (deuxième avec 19,86 % et quatrième avec 18,27 % au premier tour) ont conservé leurs investitures. «Ce n’est pas la même droite ici qu’à Lyon», nuance Alain Fontanel. La dimension européenne de la ville est évoquée comme point de convergence. Les deux hommes donnent aussi comme modèle les «coalitions à l’allemande» et le Bade-Wurtemberg voisin où «les Verts gouvernent avec la droite». Une critique à peine voilée des écologistes et socialistes qui n’ont pas réussi à s’unir après douze ans de vie commune.
«Nous formons un duo complémentaire», s’enthousiasme Jean-Philippe Vetter. Un techno sobre et sérieux de 51 ans en tête de liste secondé d’un assistant parlementaire de 40 ans, avec un bon sens du contact. Pour séduire le crucial électorat des commerçants, il rappelle ses racines de «fils de boulanger». Reste que pour y arriver, il a fallu faire «des sacrifices», dixit Alain Fontanel, chez ses personnalités non encartées. Ainsi, l’ex-numéro 4 Anja Linder, harpiste professionnelle, en fauteuil roulant depuis un accident en 2001, s’est retrouvée sur la liste fusionnée mais loin derrière, en position inéligible, «sans me demander mon avis», dit-elle. Cette «ambassadrice», jusqu’en mars, des personnes handicapées auprès du gouvernement s’est retirée de la campagne.
«J’avais prévenu que la liste pouvait changer et que les places ne garantissaient rien», se défend le coupeur de têtes. Pour sceller cette alliance à 50-50, la présidence de l’Eurométropole a été promise à Jean-Philippe Vetter. «Il va le proposer, mais il y aura une campagne de troisième tour», tempère Georges Schuler, secrétaire départemental des LR et maire de Reichstett, une commune du nord de l’agglomération. Mais à Strasbourg, on pense qu’il sera facile de convaincre quelques maires à coups de vice-présidence bien rémunérée et de travaux dans leur commune.
Pour Catherine Trautmann, qui s’est maintenue seule après sa troisième place (19,86%) en mars, il s’agit désormais d’une «nouvelle élection». L’ancienne maire et ministre socialiste se dit «au coeur de l’échiquier» et mise sur les thèmes qui ont forgé sa notoriété. «Il faut avoir de l’expérience pour assurer l’équilibre nécessaire entre écologie, économie, dimension européenne, santé et culture», dit celle qui dit enregistrer des soutiens de déçus des deux côtés. Côté programme, elle promet une «métamorphose de la ville», peut-être moins visible que le tram qu’elle avait relancé dans les années 90, mais avec un «nouveau cycle sur les transports, l’habitat et l’énergie».
Aucun sondage n’a été publié, ce qui permet
à chacun de se dire porté
par une dynamique. La triangulaire strasbourgeoise s’annonce serrée.
«Loyale».
Suffisant pour concilier les différents électorats, y compris les quartiers qui l’ont placée en tête mais ont peu voté en mars? Aucun sondage n’a été publié, ce qui permet à chacun de se dire porté par une dynamique. La triangulaire s’annonce serrée, avec une dispersion des voix à gauche. Quant au maire sortant, Roland Ries, au PS jusqu’à l’année dernière, il a continué de soutenir son premier adjoint, Alain Fontanel, mais demeure peu actif. «La science politique n’est pas une arithmétique, on n’additionne pas forcément les scores», notet-il. Plus étonnant, il a ensuite discuté avec Jeanne Barseghian, l’écologiste en tête au premier tour (27,88 %). Officiellement, la discrétion était de mise, mais le rendez-vous était fixé dans un café très en vue du centre-ville. «Il m’a parlé des sujets d’urbanisme qu’il a lancés pour les années à venir, et qu’en cas de victoire, il se tenait à ma disposition, ce que j’ai accepté volontiers.» La conseillère municipale ne serait donc pas aussi «dogmatique» que ce que disent ses adversaires.
Avec le PS, la ligne a en revanche été coupée. «J’ai été loyale, mais je ne soutiens pas tout», tranche Catherine Trautmann. Pour Jeanne Barseghian, issue de la majorité comme ses concurrents, l’enjeu n’est plus le bilan, mais de changer de braquet dans la «capitale du vélo». «Ce que je ressens face à moi, c’est une peur du changement. Or l’adaptation de nos métropoles au changement climatique est un mouvement mondial, pas spécifique à Strasbourg. Si on n’anticipe pas les directives européennes, je l’ai vu par mon métier d’éco-conseillère, nos entreprises se trouvent acculées.»
Correspondant à Strasbourg
à son inspirateur. «Ensuite, s’indigne le maire sortant, Olivier Carré, il les a distribués à des gens dont il cherche le vote.» Dans une conférence de presse tenue le 18 juin, Grouard a dû se défendre de tout financement illégal de campagne. «Ces masques, j’en ai donné dans tout le département, j’ai même commencé par les proposer à Olivier Carré», proteste-t-il. Mais, anticipe un observateur bien placé, «je suis sûr qu’il y aura un recours : contre Grouard, car sa démarche était évidemment électorale; ou contre Carré, au motif qu’il aurait fait sa communication sur le dos de la crise».
«Salubrité publique».
En Ile-de-France, à Champigny, le sortant PCF Christian Fauré et son concurrent divers droite Laurent Jeanne se renvoient les accusations de clientélisme. Le premier, notamment, déclare «s’interroger» sur les distributions de masques faites «à grand renfort de selfies» par le second. Dans la ville, «c’est moi qui en ai distribué le plus, et le plus vite», se flatte en effet Jeanne : 50000 au total, fournis par le conseil régional, où il siège dans la majorité de Valérie Pécresse. Mélange des genres? «Les distributions, ouvertes aux élus de droite et de gauche, ont concerné toute l’Ile-de-France, se défend-on à la région. Chaque maire en était informé, et a directement reçu un lot couvrant 20 % de sa population.» Et Laurent Jeanne d’assurer avoir couvert, outre Champigny, «toutes les villes du territoire dont j’étais responsable».
Mi-avril, dans une lettre à Pécresse, le groupe régional socialiste a pourtant pointé «des personnes n’ayant ni mandat régional ni même local [qui] ont visiblement été invitées à participer, voire à organiser des distributions». A l’image d’Hervé Riou, candidat divers droite aux Mureaux (Yvelines), soutenu par Pécresse. Des cas reconnus par l’entourage de la présidente, mais jugés «très isolés» et ayant fait l’objet de «recadrages immédiats». «Valérie Pécresse est d’une grande exigence sur ce sujet», assure un proche.
Il est vrai que beaucoup d’opposants ont rongé leur frein, face à des maires multipliant à bon droit, mais parfois à grand renfort de communication, les interventions de terrain. «Assez peu dans les petites communes, de façon éhontée dans les grandes», croit savoir le sénateur LREM François Patriat, évoquant «des maires qui font du porte-à-porte en clamant “l’Etat vous abandonne”, qui empilent les apparitions dans la presse locale. Que doit penser l’opposant qui perdra de deux points au second tour sans avoir eu le droit, lui, de faire campagne ?» A la Commission nationale des comptes de campagne, on se prépare déjà à en juger. «C’est dans le rôle du maire d’avoir des missions de salubrité publique, y explique-t-on. Mais il faudra apprécier les conditions de la distribution: les masques portaient-ils un signe distinctif ? Des discours politiques ont-ils été tenus ?» Le questionnement, comprend-on, sera encore plus exigeant pour les candidats non sortants ayant, eux aussi, distribué du matériel. Le risque, pour tous, est de voir son coût imputé à leurs comptes, voire leur invalidation. De son côté, la justice administrative devra juger la légalité de certaines pratiques, anticipe le juriste Romain Rambaud. «On va au-devant de nombreux contentieux, estime ce spécialiste de droit électoral. En période de campagne, les collectivités ont le droit d’informer leurs administrés, mais pas de faire la publicité commerciale de leurs réalisations. Le juge dira de quoi relevaient les distributions les plus voyantes.» Tâche incertaine, juge-t-il, vu le caractère exceptionnel de la période : «La jurisprudence est encore à faire. Sauf pour les cas les plus flagrants, les outils classiques d’analyse fonctionneront mal, et cela se jouera sur un faisceau d’indices.»