Le Rassemblement national veut passer à autre chose
Le parti de Marine Le Pen devrait connaître des municipales décevantes. En interne, on parle même de «désastre». Seul Louis Aliot à Perpignan peut encore faire diversion.
moyennes villes : peu ou pas présents dans le débat national, ils sont pourtant une ressource vitale pour un parti qui enchaîne les défaites depuis 2017. Sauf surprise, ils devraient ainsi lui permettre de préserver la majorité de droite au Sénat, où la moitié des sièges doivent être renouvelés en septembre au suffrage indirect. Vu l’importance de l’institution dans la stratégie d’opposition de LR, ce n’est pas une petite satisfaction.
Autre consolation: le gadin annoncé de la majorité macroniste. Dans le rapport de force qu’il a engagé avec la droite, le parti présidentiel aura vraisemblablement le dessous, pour la première fois depuis trois ans. Le secrétaire général de LR, Aurélien Pradié, s’en félicitait d’avance mi-mars : «On aura peut-être du mal à désigner le vainqueur, mais ce sera facile de trouver le perdant. Notre réussite, c’est aussi l’échec de LREM.» Même si les deux partis ont conclu plusieurs alliances locales, qui en embarrassent plus d’un chez LR: à Lyon, Bordeaux, Strasbourg et Clermont-Ferrand, entre autres, droite et macronistes perdront ou gagneront ensemble.
Le Rassemblement national (RN) n’espère plus grandchose de ces municipales, sauf peut-être une victoire à Perpignan, qui lui permettrait de sauver les apparences. De nouveau candidat à la mairie, Louis Aliot, qui se présente sans étiquette, conserve de réelles chances de l’emporter contre le maire sortant (LR), Jean-Marc Pujol, 71 ans : Aliot a terminé en tête au premier tour, à plus de 35 %, contre 18 % pour le sortant. La réussite de l’ancien dircab de Jean-Marie Le Pen dans la ville de 120 000 habitants constituerait un succès historique pour le mouvement d’extrême droite, après Toulon en 1995. Elle permettrait au RN de braquer les projecteurs sur cette victoire pour mieux masquer un bilan médiocre à l’échelle nationale. Au-delà de la reconduction au premier tour, dans un contexte de forte prime aux sortants, de sept de ses dix maires (notamment David Rachline à Fréjus et Steeve Briois à Hénin-Beaumont), ces municipales ont une nouvelle fois témoigné des difficultés du RN dans les scrutins locaux. En interne, certains parlent même de «désastre» alors que Marine Le Pen a promis tout au long de la campagne que son parti allait inonder la France d’élus.
Dimanche soir, et sans que cela dise grand-chose du potentiel électoral de la candidate d’extrême droite en 2022, le RN pourrait surtout avoir perdu la moitié de ses conseillers municipaux de 2014. Dans bien des villes, le parti lepéniste s’est ramassé et, outre Perpignan, seule la ville de Moissac (Tarn-et-Garonne) semble être une chance réelle de victoire. Son candidat, Romain Lopez (47%), a loupé d’une centaine de voix une victoire dès le 15 mars. Il aura face à lui un front républicain, tout comme Jean-Louis Meizonnet à Vauvert (Gard). Dans cette commune de 11000 habitants, le candidat a récolté 43 % des suffrages mais n’est arrivé que deuxième. Le voir gagner serait une vraie surprise. Même chose à Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais, 20000 habitants), bien qu’au RN on évoque la commune avec un peu d’espoir. Ici, le député Ludovic Pajot a obtenu 38,6 % des voix, devant l’ex-PS Bernard Cailliau (34,5 %). Mais après le premier tour, le maire sortant, arrivé troisième, s’est immédiatement désisté. Restent pour l’ex-FN les édiles encore en place, qui n’ont pas été réélus au premier tour: Cyril Nauth à Mantes-la-Ville (Yvelines), Pascal Verrelle au Luc (Var), et enfin Stéphane Ravier à Marseille. Le premier avait gagné en 2014 par accident, dans une quadrangulaire où la gauche n’avait pas réussi à s’entendre. Les habitants du coin parlent de cela comme d’un «traumatisme». Cette fois, tous les candidats qualifiés mais pas en mesure de l’emporter se sont désistés au profit du deuxième, étiqueté LREM. Malgré ses 33 % en mars, Nauth n’a semble-t-il aucune chance de conserver son siège dimanche. Difficile aussi au Luc, où on a vu défiler trois maires frontistes depuis 2014. Pascal Verrelle est arrivé deuxième le 15 mars. Chez les électeurs, lassés par cette valse interminable au conseil municipal, l’ambiance est au dégagisme des électeurs. A Marseille, enfin, où Ravier avait emporté une mairie d’arrondissement en 2014 lors d’une triangulaire, le désistement des listes de gauche dans le 7e secteur (qui pourrait coûter cher à la candidate du Printemps marseillais, Michèle Rubirola) impose un duel au candidat RN. Avec 33,5 % au premier tour, il semble probable qu’il perde l’élection.