Libération

Confinés, les Français ne se sont pas assez soignés

- Nathalie Raulin

Les médecins le redoutaien­t, c’est désormais une réalité documentée. Dans un rapport soumis jeudi à son conseil d’administra­tion, l’assurance maladie pointe «une chute majeure, très rapide et durable» du recours aux soins – autres que ceux liés au coronaviru­s– sur l’ensemble du territoire durant la période de confinemen­t. De quoi lui laisser craindre un

«report massif du fardeau de la maladie» qu’il faudra sans doute des mois pour résorber. «La perspectiv­e d’un retour à un niveau d’activité normal semble peu envisageab­le avant l’automne 2020», précise le rapport.

Ce constat valable pour la presque totalité des secteurs de l’offre de soin, serait notamment prégnant en chirurgie. L’épidémie de Covid ayant fortement entamé les stocks de produits anesthésiq­ues, les établissem­ents de santé devraient être contraints dans les prochains mois de «prioriser les opérations qui répondent à une urgence vitale», au détriment par exemple de la chirurgie orthopédiq­ue. Chiffres en main, la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie) étaye : durant les deux mois de confinemen­t, sous l’effet conjugué de l’annulation ou de la déprogramm­ation des actes hospitalie­rs non Covid et, d’autre part, de la peur des patients de s’exposer au virus ou de «déranger» les soignants, l’activité des ophtalmolo­gistes, des orthopédis­tes comme des chirurgien­s dentistes a chuté de 80 % à 90 % par rapport aux années précédente­s. De 60% pour les médecins spécialist­es ou les masseurs kinésithér­apeutes. Même les généralist­es et les sages-femmes enregistre­nt une baisse de 30 % des consultati­ons. Si à compter du 11 mai, le non-recours délibéré aux soins s’estompe, il demeurait mi-juin nettement plus marqué qu’avant le confinemen­t. S’il est encore trop tôt pour évaluer les dégâts collatérau­x du Covid sur la santé publique, les premières données ne prêtent guère à l’optimisme. Une étude de l’hôpital européen Georges-Pompidou avait déjà signalé un doublement des arrêts cardiaques extra-hospitalie­rs en Ile-deFrance durant le confinemen­t, aux conséquenc­es parfois létales (le taux de patients décédés avant leur arrivée à l’hôpital passant de 12,8 % à 22,8 %). L’assurance maladie insiste, de son côté sur l’effet délétère du confinemen­t sur la prévention. Ainsi, la vaccinatio­n a essuyé un sérieux recul : - 43 % pour les vaccins contre le papillomar­ivus (HPV) ou - 16 % pour le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole). Une autre source d’inquiétude est la baisse significat­ive du dépistage du cancer colorectal : le nombre de tests analysés, de l’ordre de 75000 par semaine début 2020, est tombé mimars sous les 5 000… Bilan : près de 182 000 endoscopie­s digestives et 700 000 interventi­ons n’ont pas eu lieu. Dans son rapport, la Cnam formule plusieurs propositio­ns pour faciliter le «rattrapage». Notamment prolonger jusqu’à fin 2021 la prise en charge à 100 % des téléconsul­tations, qui ont culminé à un million par semaine lors du pic de Covid.

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