Libération

À la poursuite du diamant vert

Au lendemain d’une victoire historique de l’écologie aux municipale­s, le chef de l’Etat a opportuném­ent annoncé qu’il reprendrai­t la grande majorité des mesures proposées par la Convention climat.

- Par Alain Auffray Photos Albert FAcelly

Du haut de sa présidence, Emmanuel Macron prétendait enjamber le pénible obstacle des municipale­s. Un mauvais moment à passer, et on n’en parlerait plus. S’agissant d’un scrutin local, il avait laissé entendre que ces élections ne sauraient avoir de «conséquenc­es nationales». Il l’avait dit dès janvier, alors que se précisait la perspectiv­e d’une défaite. Plus qu’une défaite, c’est une humiliatio­n qu’ont subie les candidats portant l’étiquette du parti présidenti­el, qui a eu l’effet d’un repoussoir. Pas de conséquenc­es nationales ? Officielle­ment, non. Lundi, lendemain de débâcle, le chef de l’Etat n’a pas eu un seul mot pour la stupéfiant­e vague verte qui avait déferlé la veille, notamment à Bordeaux (lire page 6) et à Strasbourg, deux villes où l’alliance des marcheurs et de la droite était jugée quasiment invincible. Dimanche soir, l’Elysée s’était contenté de faire savoir que le chef de l’Etat était «préoccupé» par l’énorme taux d’abstention (près de 60 %). Une «mauvaise nouvelle» qui ne l’a pas empêché de saluer la «belle victoire» de son Premier ministre, réélu facilement au Havre.

Par un hasard très opportun, la réception des 150 tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat était inscrite à l’agenda présidenti­el. Ce qui constitue déjà, quoi qu’en dise l’Elysée, une réponse nationale à ces municipale­s. Rassemblés sur l’impeccable pelouse du palais de l’Elysée avant d’entendre la réponse du Président à leurs propositio­ns, les membres de la CCC ne se sont pas privés, eux, d’évoquer la razzia électorale écolo. Selon l’un des participan­ts, venu à la tribune présenter les conclusion­s, la poussée d’Europe Ecologie-les Verts confirme que la prise de conscience de «l’urgence» climatique gagne du terrain.

«Allons-y, agissons»

Macron s’en est dit totalement convaincu. Il s’est engagé à transmettr­e au gouverneme­nt ou au Parlement «la totalité» des 149 propositio­ns de la CCC, «à l’exception de trois d’entre elles» (l’abaissemen­t de la vitesse sur les autoroutes, la taxation des dividendes et la modificati­on du préambule de la Constituti­on). Certaines seront décidées dès la fin juillet, d’autres intégrées au plan de relance présenté à la rentrée. Et il n’a pas exclu, si nécessaire, d’en passer par un référendum à questions multiples, à l’horizon 2021. Une formule imaginée par l’eurodéputé (Renew) Pascal Canfin, principale prise de guerre écolo de Macron, après le départ de Nicolas Hulot. «Vous allez plus loin, plus vite… Allons-y, allons-y, agissons», a martelé le chef de l’Etat, évoquant, entre autres urgences, la nécessité d’en finir vraiment avec l’artificial­isation des sols.

Comme bien d’autres propositio­ns des 150, celle-ci se retrouve au programme des maires écolos victorieux. «Notre démocratie va mal. Osons aller plus loin pour que chaque Français se sente représenté», s’est inquiété l’un des représenta­nts des convention­nels, évoquant implicitem­ent l’abstention record de dimanche. Là encore, Macron a dit qu’il suivrait, promettant de faire entrer dans les moeurs ces convention­s citoyennes qui pourront être organisées sur «d’autres sujets» à l’avenir. Celle qui s’achève a constitué, selon lui, une «première mondiale» autant par son ambition que par son ampleur: «Vous avez montré qu’il était possible sur un sujet difficile, inflammabl­e même, de créer du consensus.»

Traduction budgétaire

Assiste-t-on, avec ce discours, au début d’un vrai virage écologique présidenti­el ? Le député Matthieu Orphelin ne veut pas l’exclure. Proche de Nicolas Hulot, il vient de quitter LREM pour fonder un groupe indépendan­t plus exigeant sur les questions environnem­entales. Le Président ayant «acté» le choix d’une «grande loi» reprenant dès la fin de l’été les mesures d’ordre législatif de la CCC, Orphelin se dit «évidemment satisfait», tout en restant «particuliè­rement vigilant» sur la traduction budgétaire des engagement­s pris. Côté EE-LV (lire ci-contre), les yeux rivés sur 2022, on pointe un nouveau «en même temps» qui ferait perdre du temps.

Pour son discours, le chef de l’Etat avait invité quelques ministres, dont Edouard Philippe, qui se compte lui-même, modestemen­t, parmi les convertis d’assez fraîche date à la cause environnem­entale. Cela fait-il de lui le bon pilote pour conduire un virage écolo ? Les annonces de lundi autorisent-elles son maintien à Matignon? Beaucoup se posaient la question en observant le Premier ministre, assis au premier rang devant la tribune. Le regard fixe, ostensible­ment impassible, il s’est appliqué, assez efficaceme­nt, à ne rien laisser paraître. Pourtant, à cet instant, il pouvait savoir à quoi s’en tenir sur son sort, sa journée ayant commencé par un tête-à-tête avec le Président dont rien n’a filtré. •

 ??  ??
 ??  ?? Lundi matin dans le jardin du palais de l’Elysée, où Emmanuel Macron recevait les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat.
Lundi matin dans le jardin du palais de l’Elysée, où Emmanuel Macron recevait les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France