Pour les écolos, une victoire dans la bataille des idées
Après ses très bons résultats au second tour dimanche, EE-LV se félicite d’avoir su imposer son programme, comme le prouvent les annonces du Président, sans occulter les défis à venir pour convaincre au-delà des villes.
Après une soirée joyeuse et une nuit courte, les écologistes se sont levés de bonne heure. Ils ont attentivement écouté les mots du président de la République devant membres de la Convention citoyenne pour le climat (lire ci-contre). Le secrétaire national d’EE-LV, Julien Bayou, ne s’enflamme pas. Il taquine : «Le discours de Macron ? Il a été excellent, comme celui de Nicolas Sarkozy en 2007 en ouverture du Grenelle de l’environnement.» Rien de très neuf, donc. Le chef des Verts estime que les annonces ne sont pas «concrètes». Le mot «flou» revient souvent. L’important est ailleurs pour les nouvelles stars électorales de dimanche. «Les 149 propositions de la Convention climat, c’est notre programme ! C’est vraiment super. Les membres de la Convention ne sont pas forcément écologistes mais le constat est le même, poursuit Julien Bayou. C’est une victoire pour nous. Les maires qui viennent d’être élus vont pouvoir les mettre en place. Ils ne vont pas attendre l’autorisation de l’Elysée.»
Montagnes. Les excellents scores des municipales donnent des ailes. Les choses ont changé. Dans les grandes villes, les écologistes ne sont plus perçus comme des petits rêveurs avec des pulls en laine qui grattent. La crise climatique ne fait plus marrer personne. Toutes les couleurs politiques se mettent (plus ou moins) au vert. David Cormand, député européen, n’oublie pas que lors de la campagne des municipales, de nombreux candidats de droite et de La République en marche désignaient les écologistes comme des dangereux gauchistes. Depuis, beaucoup de figures de la majorité présidentielle tentent de corriger le tir. Plus question de dire du mal des vainqueurs. Mais le mal est fait et Cormand se marre : il dit que l’écologie, c’est «la force propulsive et la promesse de demain». C’est beau comme un slogan.
Les écologistes se la jouent un peu depuis dimanche soir. Logique. Ça se passe toujours comme ça, les lendemains de victoire. Ils expliquent donc que leur petit parti ne pourra pas soulever toutes les montagnes. «La bataille culturelle que nous sommes en train de gagner est très importante car l’écologie n’appartient pas à EE-LV. On ne pourra faire les choses seuls. A chaque fois qu’il y aura une bonne initiative, on fera le maximum pour qu’elle aboutisse», glisse Julien Bayou tout content de voir les partis de gauche mettre chaque jour un peu plus l’écologie au coeur de leur programme. Un exemple : les différences et les désaccords existent entre les écologistes et Jean-Luc Mélenchon, mais personne ne classe l’insoumis dans le camp des ennemis. Sur les sujets environnementaux, «il a sincèrement évolué, comme de nombreux socialistes et certains communistes. C’est une bonne nouvelle pour tout le monde», disait Sandra Regol, la secrétaire nationale adjointe d’EE-LV le mois dernier. Les Verts espèrent rassembler toutes les gauches autour d’eux. Mais travailler avec la majorité présidentielle? «Emmanuel Macron était dans le déni de l’écologie. Je veux que ce gouvernement et ce président de la République agissent enfin», répond Yannick Jadot, sans vraiment y croire. Son nom circule depuis des mois au coeur de la macronie. Certains l’imaginent au gouvernement alors que lui se voit à l’Elysée dans deux ans.
Réalités. Dimanche, lorsqu’on faisait le point sur les nouveaux élus, les têtes pensantes vertes expliquaient que ce scrutin prouvait que l’écologie dépassait les personnes. Bayou toujours: «Nous avons des bons candidats mais ils étaient très souvent inconnus: les électeurs ont voté pour nos idées.» Les écologistes ne ferment pas les yeux sur les autres réalités: la très forte abstention –presque six Français sur dix ne sont pas allés voter dimanche – et des scores moins reluisants quand on s’éloigne des grandes villes. Ils gagnent la baston culturelle au coeur des CSP + et des diplômés, dépassent rarement le périphérique. Une bonne nouvelle pour les municipales, mais pas suffisant pour passer à l’étape supérieure.
Un élu écolo : «Pendant des années, nous étions un parti pour les bobos de gauche. Aujourd’hui, nous avons réussi à dépasser ce cercle, mais on est encore loin des quartiers, des agriculteurs et des ouvriers. Nous ne devons surtout pas nous croire au bout du chemin. Le plus dur reste à faire.» Longtemps, les Verts étaient bien installés dans le fauteuil du contre-pouvoir. Désormais, ils passent de l’autre côté: se donner les moyens de changer la vie des gens. Une occasion de mettre fin (ou pas) à certains clichés et continuer de rafler des points dans la bataille culturelle.
«Nous ne devons surtout pas nous croire au bout du chemin. Le plus dur reste à faire.»
Un élu écologiste