«Ce sont les convictions qui manquent à nos dirigeants»
Pierre Hurmic, nouveau maire EE-LV de Bordeaux, ne se déclare pas satisfait par les annonces du Président. Selon lui, l’écologie ne peut être une «politique d’affichage».
Quand on retrouve Pierre Hurmic lundi devant son QG, le nouveau maire de Bordeaux avale d’une traite son sandwich entre deux rendez-vous. Les traits sont légèrement tirés. La nuit a été longue. «Et quelle nuit !» lance un membre de son entourage qui se pince encore pour y croire: la liste d’union de la gauche pilotée par un écologiste a ravi la ville à la droite, qui la dirigeait depuis la Libération. Historique. Electeurs et voisins se succèdent sans discontinuer pour féliciter le nouvel élu. «Ce ne sont pas des figurants», s’amuse Hurmic, reprenant vite son sérieux: «Le boulot commence maintenant et tout reste à faire.» Lundi matin, il a attentivement écouté les annonces d’Emmanuel Macron. Trop court, trop tard à ses yeux.
Macron écolo, vous y croyez ? Non. J’avoue y avoir un peu cru quand il a fait venir Nicolas Hulot au gouvernement. Je me suis dit que c’était un beau geste d’ouverture. Mais son départ spectaculaire l’a confirmé: il n’avait pas les moyens de sa politique. L’écologie, ça ne doit pas être une politique d’affichage ou une politique de prise de guerre. C’est concret. On s’est heurté aux lobbys aussi. Et clairement, on ne peut pas faire de politique écologique dans ce pays si on n’arrive pas à se libérer de ce poids considérable.
Le Président dit «chiche» à la Convention citoyenne, annonce un projet de loi sur l’écologie et remet des milliards dans la transition écologique. Les écologistes ont gagné la bataille culturelle ? Oui, c’est bien de le dire. Une dynamique s’enclenche enfin. Mais l’écologie, ce n’est pas qu’une question de financement. On ne devient pas écologiste car les écologistes ont gagné une élection. Etre écolo, c’est avoir des convictions. C’est ce qui fera la différence et ce qui manque cruellement à nos dirigeants.
Que pensez-vous des principales annonces de Macron ?
La rénovation thermique, je suis d’accord, c’est une priorité. C’est d’ailleurs dans notre programme. Le bâti représente 45% de notre consommation d’énergie et 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre, donc il est évident que si on veut arriver à la neutralité carbone en 2050, comme on en a pris l’engagement, ça passe par une conversion très rapide de nos passoires thermiques. L’enjeu est phénoménal. Mais il y a une mesure qu’il a abandonnée au niveau du territoire français et qui est à mon avis fondamentale, c’est la taxe carbone. Une taxe européenne est insuffisante. La
Convention citoyenne, c’était un peu un package. C’est un exercice démocratique qui a très bien fonctionné, alors je trouve dommage que le président de la République se permette de faire un peu ses courses à l’intérieur des propositions. La crise économique, conséquence de la crise sanitaire, n’a pas dissuadé les électeurs de voter vert. Le local, c’est le bon échelon pour l’écologie ?
Je crois beaucoup à la proximité. Les socialistes sont arrivés au pouvoir en France après être passés par l’étape de ce que l’on a appelé le socialisme municipal dans les années 70. De la même manière, je crois à l’écologie municipale. C’est notre challenge. Les écologistes gagneront plus facilement le pouvoir central s’ils commencent par faire leurs preuves au niveau local, municipal, régional.
Que répondez-vous à ceux qui pensent que les écolos ne sont pas capables de gérer une ville ? Le discours qu’ils tiennent s’apparente à celui que les élus mâles tenaient il y a quarante ans vis-à-vis de la parité. Ils n’imaginaient pas une femme à la tête d’une commune: elles ne sont pas capables, disaient-ils. J’ai l’impression qu’on est face à la même déconnexion aujourd’hui. L’avenir les jugera sévèrement. Moi, je me considère comme meilleur gestionnaire que beaucoup d’autres élus. Déjà, je gère un cabinet d’avocats depuis une trentaine d’années. Je sais ce qu’est un compte d’exploitation, je sais ce qu’est un bilan… Et j’ai des années dans l’opposition. Je ne vois pas au nom de quoi on me traiterait d’incompétent. En additionnant votre score et celui de Philippe Poutou, candidat du NPA, on obtient près de 60%. Une partie de la droite a voté pour vous ?
Je pense que de nombreux électeurs n’ont pas apprécié l’accord entre LREM et LR. Il y a aussi beaucoup d’électeurs LR qui sont très anti-Macron : ils n’ont pas compris. Cette alliance les a décrédibilisés. De notre côté, je pense qu’on a été porté par une dynamique verte, mais aussi qu’on a fait une bonne campagne avec une équipe très plurielle, très diverse. On incarne le changement. Qu’avez-vous ressenti en voyant Alain Juppé quitter la mairie de Bordeaux ?
Je n’ai pas trouvé sa réaction très sport quand il a évoqué sa «tristesse». Il me connaît depuis vingtcinq ans, il aurait pu faire le service républicain minimum. Qu’il ne soit pas content du résultat, je peux le comprendre, mais j’attendais au moins qu’il souhaite bonne chance au nouveau maire ou à la ville de Bordeaux. Il a préféré tourner les talons et tourner le dos aux journalistes. Ce n’est pas d’une très grande dignité républicaine.
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Lorsqu’on lui demande si, en matière d’écologie, la droite n’a pas raté une marche, Eric Diard rit jaune: «Une marche? Tout l’escalier, oui!» Au sein du parti Les Républicains, le député des Bouches-du-Rhône, végétarien et militant de la cause animale, se voit comme «un ovni». Et désespère : «Sur l’environnement, on est à côté de la plaque. On parle développement durable comme dans les années 80. On