Libération

Le PS divisé sur la question de l’union

Si certains socialiste­s se félicitent de la stratégie d’alliances du parti, d’autres préfèrent souligner les victoires en solo, comme à Lille et à Dijon, refusant de s’effacer en vue des prochains scrutins.

- Charlotte Belaïch

Les résultats électoraux se lisent souvent différemme­nt, y compris au sein de la même famille politique. Au lendemain du second tour des municipale­s, Olivier Faure, le patron des socialiste­s, a célébré sa stratégie d’alliances, scellées par endroits au détriment de son camp, pour laisser un écolo prendre la tête de l’union. Un pari qu’il s’imagine renouveler lors des prochaines échéances électorale­s : les régionales, les départemen­tales et, pourquoi pas, la présidenti­elle. «Je suis prêt à me ranger derrière celui qui incarnera le bloc social-écologiste», a déclaré le premier secrétaire pendant la soirée électorale.

Mais certains socialiste­s ne l’entendent pas ainsi. Pour eux, dimanche a sonné non pas l’avènement de la social-écologie mais le retour de la gauche, et ils revendique­nt leur place dans cette combinaiso­n gagnante : ils l’emportent avec les Verts certes, mais les Verts l’emportent aussi avec eux. Paris, Nantes, Rennes, Montpellie­r, Saint-Denis, Quimper… Exemples à l’appui, ils rappellent qu’ils étaient souvent à la tête des alliances victorieus­es, même si celles tirées par les écolos les ont un peu éclipsés. «C’est plus voyant car ils partaient de moins haut», reconnaît Patrick Kanner. Le président du groupe PS au Sénat ne «claironne pas» mais rappelle quand même que ses coreligion­naires ont conservé ou conquis de nombreuses villes, parfois contre les écolos, comme à Lille ou à Dijon.

En retrait.

Pour Chloé Morin, directrice du départemen­t Opinion de la Fondation JeanJaurès, les victoires écolos ne sont «pas une vague mais l’arbre qui cache la forêt. La vérité, c’est que les victoires EE-LV ne sont pas possibles sans union de la gauche». Kanner va un cran plus loin : «Ce qui ressort des municipale­s, c’est que la deuxième force politique du pays, c’est le PS, la première force de gauche, c’est le PS. Il faut que tout le monde l’intègre.» Y compris les écolos et leurs représenta­nts : «Quand j’entends Yannick Jadot, je dis : “Pas de triomphali­sme.” Une victoire c’est une chose, durer en est une autre.»

Depuis qu’il a pris la tête du PS il y a deux ans, Olivier Faure prône le rassemblem­ent de la gauche, quitte à se mettre en retrait après une présidenti­elle 2017 où les écolos s’étaient rangés derrière la candidatur­e de Benoît Hamon. Pour beaucoup de socialiste­s, les municipale­s confortent la ligne Faure. Mais certains récalcitra­nts opposent à la stratégie du «dépassemen­t» la menace de «l’effacement». «Je ne suis

Photo Denis Allard pas d’accord avec Olivier Faure : je suis pour un candidat socialiste à la présidenti­elle», affirme le sénateur Rachid Temal. «L’union oui, mais une union équilibrée», avertit aussi Kanner. Autrement dit, avec des écolos qui pèsent un peu moins dans la balance.

Question d’habitude.

Certains osent aller plus loin et revendique­nt encore d’être le centre de gravité de l’opposition. Pas évident, quand on a longtemps été la première force d’opposition et l’incarnatio­n de la «gauche de gouverneme­nt», alors que les écolos étaient une force d’appoint, d’inverser la logique. Question d’habitude, mais aussi de conviction­s : de Stéphane Le Foll à François Rebsamen,

on n’est pas convaincu de la nécessité de changer de paradigme. Ils grimacent quand ils entendent les écolos parler de la vieille gauche productivi­ste et d’une social-démocratie obsolète. Même s’ils reconnaiss­ent que les thématique­s des alliés verts dominent, ils répètent que la question sociale est essentiell­e, comme si les Verts la négligeaie­nt, et qu’EE-LV n’a pas le monopole de l’écologie. Dimanche soir, Martine Aubry a ainsi promis de faire la transition écologique «au galop». «Le socialisme sait intégrer de nouveaux combats, assure Rachid Temal. L’écologie ne remet pas tout en question. Si je pensais que c’était une vision globale, je serais écolo».

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Lancement de la campagne socialiste, le 1er février à Paris.

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