Libération

De 130 à 110, l’auto à zéro

Le débat sur la réduction de la vitesse à 110 km/h sur autoroute avive la nostalgie des défenseurs d’une liberté pétrolée déjà subclaquan­te.

- Par Luc Le Vaillant

Il y a eu ces journées irréelles où les voitures étaient parquées au garage comme des bêtes de somme à l’étable. C’était comme si elles attendaien­t un Damien Hirst qui les aurait tronçonnée­s par le milieu pour en montrer les bielles débiles et les rouages inutiles, comme il le fait de la carcasse des braves laitières de réforme. Ces ouvrières du macadam étaient soudain devenues des machines célibatair­es que personne ne voulait plus matcher sur Tinder. Ces épaves novices cloîtrées en fourrière sanitaire flippaient d’être envoyées rouiller au cimetière marin. Et les matous qui ne pouvaient plus ronronner sur leurs capots tièdes faisaient pattes de velours mélancoliq­ues sur leurs carrosseri­es griffées. Pendant cette mise au clou de leurs limousines, les chauffeurs sans livrée joggaient en rond sur leurs chaussures pneumatiqu­es dans les rues vidangées de toute humanité carbonée et de toute automobile pensante. Tenus au lasso par la loi du kilomètre, ils cerclaient petit mais parfois se réappropri­aient subreptice­ment les périphériq­ues urbains. Inusité pour le coureur à pied, ce petit pas de clerc était un bond de géant pour le citadin. Lequel remplaçait pour la première fois sur le ring les pétroleuse­s perpétuell­ement désherbant­es des cités loin d’être reverdies. Depuis, la pétarade a repris et la meilleure amie de l’homme d’avant pensait retrouver une partie des faveurs envolées. L’après-Covid incite au repli dans son habitacle individuel, dans sa coquille de métal, dans sa carapace de tortue monospace. Sauf que ça devient de plus en plus tortueux. Déjà la pandémie a accéléré l’expulsion des bagnoles des métropoles. Voici que l’autoroute entrevoit la banquerout­e des as du volant. Si Macron ne reporte pas indéfinime­nt les re

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