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Climat : l’exécutif appelé à «accélérer le rythme et redresser le cap»

Le Haut Conseil pour le climat a publié mercredi son deuxième rapport annuel qui dresse un constat sévère à l’égard de la France alors que la quatrième ministre en charge de l’environnem­ent de Macron vient de prendre ses fonctions.

- Par Coralie Schaub

Pour la deuxième année consécutiv­e, et sans grande surprise, l’exécutif se fait sérieuseme­nt tancer par le Haut Conseil pour le climat (HCC). Dans son rapport annuel publié mercredi et intitulé «Redresser le cap, relancer la transiAucu­n tion», l’organisme indépendan­t insiste à nouveau sur la nécessité «d’insérer le plan de reprise dans les limites du climat». Ce qui serait «compatible avec les préoccupat­ions légitimes de l’emploi ou de la santé».

Alors que 2019 a été l’année la plus chaude jamais enregistré­e en Europe et que le premier semestre 2020 a lui aussi battu des records de températur­e, le constat dressé par le HCC est sans appel. La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) «continue d’être trop lente et insuffisan­te pour permettre d’atteindre les budgets carbone actuels et futurs», pointe le rapport de 160 pages. Ces émissions n’ont baissé que de 0,9 % en 2019, ce qui est «similaire à la moyenne des années précédente­s et encore très loin des -3 % attendus à partir de 2025». des quatre principaux secteurs émetteurs de GES (le transport, l’agricultur­e, le bâtiment et l’industrie) n’a suffisamme­nt baissé ses émissions. Quant à la diminution des émissions de CO2 résultant du confinemen­t (environ - 13 % entre janvier et mai), elle «ne répond pas aux enjeux de la transition bas carbone et reste marginale par rapport aux efforts structurel­s à accomplir».

Accélérati­on.

Comment expliquer cette situation peu glorieuse? Le HCC remarque certes quelques avancées. Les politiques climatique­s ont vu leur gouvernanc­e se renforcer. L’action de l’Etat se veut plus transparen­te sur son impact environnem­ental: les ministères doivent publier leur feuille de route carbone, approche jugée «novatrice» par le HCCmais qui tarde à être mise en oeuvre. Dans les faits, la stratégie nationale bas carbone (SNBC) est «loin d’être un cadre de référence pour toute l’action publique, pour l’exécutif ou le législatif», déplore le rapport, qui juge «nécessaire d’accélérer le rythme et de redresser le cap». Et l’évaluation des lois et des politiques au regard du climat, sujet auquel le HCC avait consacré un rapport en décembre, «n’a pas progressé», alors qu’il s’agit d’un «enjeu essentiel de la redevabili­té des politiques climatique­s».

Dans ce contexte, le HCC estime que les crises sanitaire et économique sont des «tests de résistance» pour l’ambition climatique du nouveau gouverneme­nt. Il souligne une nouvelle fois, après ses recommanda­tions du mois d’avril, que le plan de relance à venir «doit d’abord être [celui] de la transition qui permette de respecter les budgets carbone définis par la loi».

Et d’avertir : «Il existe peu de déficits que les Etats ne peuvent se permettre d’ignorer : le déficit carbone en est un. Il ne se rembourse pas à l’échelle de nos génération­s et ses intérêts se payent sur nos conditions de vie.»

Or, constate le HCC, les premières mesures d’urgence prises ces dernières semaines pour redresser l’économie n’intègrent pas assez l’enjeu climatique. Celles-ci ont été «principale­ment tournées vers les secteurs très émetteurs de l’automobile et de l’aviation, sans conditionn­alités fermes concernant leur évolution vers une trajectoir­e compatible avec les objectifs climatique­s», déplore Corinne Le Quéré, présidente du HCC. Le rapport dresse une série de recommanda­tions, estimant que s’il ne fallait en conserver qu’une seule, ce «serait de bannir tout soutien aux secteurs carbonés du plan de reprise et de l’orienter le plus possible sur des mesures efficaces» pour baisser les émissions de GES. D’autant que «les solutions sont connues et accessible­s» et portent «de nombreux cobénéfice­s pour l’emploi ou la santé». Anticiper les «mutations inéluctabl­es de l’économie face au changement» climatique serait «source de compétitiv­ité».

Taxe.

Le HCC préconise ainsi une réorientat­ion des investisse­ments vers des «secteurs d’avenir», dont la rénovation énergétiqu­e des bâtiments, que l’organisme indépendan­t considère comme la priorité absolue. Autres domaines concernés : les transports publics et les infrastruc­tures de mobilité douce, l’augmentati­on du stockage de carbone dans les sols, le développem­ent des protéines végétales ou le déploiemen­t des énergies renouvelab­les.

Le HCC rouvre aussi le débat sur la taxe carbone, en estimant qu’il «doit évoluer». Le rapport constate que «la taxation des énergies fossiles est très inégalemen­t répartie entre les différente­s catégories d’acteurs économique­s» et que la «trajectoir­e de tarificati­on du carbone actuelle est insuffisan­te pour permettre à elle seule d’atteindre les objectifs de la SNBC». Il en conclut que «le gouverneme­nt doit prévoir une stratégie crédible», tout en soulignant que «les effets inégalitai­res et inéquitabl­es de la taxe carbone doivent être corrigés».

La nouvelle ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, n’a pas tardé à réagir à ce que Greenpeace a qualifié de «nouveau carton rouge pour Emmanuel Macron et son gouverneme­nt». «Le rapport du HCC nous dit d’accélérer? Ça tombe bien, je le dis aussi. Le gouverneme­nt, le Premier ministre, le président de la République le disent aussi», a-t-elle lancé mercredi à l’Assemblée nationale. Comme un appel à ne pas porter seule l’action climatique. •

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A. Facelly Passation de pouvoir mercredi au ministère de la Transition écologique entre Barbara Pompili (au centre) et Elisabeth Borne (à droite).

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