Election présidentielle en Pologne : la jeunesse en position d’arbitre
Depuis l’arrivée au pouvoir en 2015 du parti ultraconservateur Droit et Justice (PiS), jamais la Pologne n’avait connu une campagne électorale aussi serrée. Alors que le second tour se déroule ce dimanche pour départager Andrzej Duda, le président sortant et candidat du PiS, et le libéral Rafal Trzaskowski, moins d’1 point les séparerait, selon les derniers sondages. Dans cette bataille pour la présidence du pays, les choix politiques des jeunes pourraient s’avérer primordiaux. Les 18-30 ans représentent un peu moins de 20% de l’électorat et, chose rare, ils se sont fortement mobilisés au premier tour. «Environ 65 % des électeurs de moins de 29 ans sont allés voter, relève Félix Krawatzek, chercheur au Centre d’études internationales et est-européennes de Berlin (Zois). C’est un pourcentage similaire à celui de la population moyenne, alors que le taux de participation des jeunes est habituellement 15 % à 20 % plus bas.» Mais si les jeunes ont voté, c’est aussi pour soutenir des outsiders. Selon les sondages de sortie des urnes, 23 % ont choisi le candidat d’extrême droite, Krzysztof Bosak, et 22 % se sont tournés vers l’indépendant centriste Szymon Hołownia, qui ont récolté 6,8% et 13,9% des suffrages. A l’inverse, les candidats des deux grands partis, Trzaskowski (PO) et Duda (PiS), ont «sous-performé» dans cette classe d’âge.
«Les jeunes ne se satisfont plus de l’opposition PiS-PO, elle crée une grande frustration chez beaucoup d’entre eux. La nouvelle génération fait des choix politiques très différents de ceux de ses aînés», souligne Félix Krawatzek. La tendance ne date pas d’hier. En 2015 déjà, pour la précédente élection présidentielle, le chanteur antisystème Pawel Kukiz avait remporté 21% des voix, largement grâce au soutien des jeunes. Depuis, les noms des partis contestataires et des candidats indépendants ont changé mais ils séduisent toujours autant les jeunes. Le pouvoir d’attraction de l’extrême droite, notamment, est indéniable. En octobre 2019, Konfederacja, coalition de trois partis nationalistes, monarchistes et ultralibéraux, est entrée au Parlement, portée par des électeurs âgés de moins de 30 ans pour la plupart, et très majoritairement masculins.
Mais, au premier tour, l’ancien journaliste et présentateur télé Szymon Holownia a aussi séduit beaucoup de jeunes tournés vers l’Europe, avec un discours centré sur l’inclusion sociale, l’écologie et l’Etat de droit. «J’étais investi dans le mouvement associatif depuis plusieurs années sans être actif en politique. C’est la candidature de Szymon Holownia qui m’a décidé à me lancer», explique Mateusz Mielczarek. A 20 ans tout juste, l’étudiant à l’université d’Utrecht, aux PaysBas, a été propulsé conseiller jeunesse du candidat indépendant Holownia. Ce dernier, désormais hors course, comme Bosak, le candidat d’extrême droite, la bataille pour le vote des jeunes a commencé entre Duda et Trzaskowski. Côté PiS, on rappelle l’exemption totale d’impôt sur le revenu accordé aux moins de 26 ans l’an dernier pour freiner l’émigration. Le candidat libéral, lui, soigne ses relations avec son ancien concurrent, Szymon Holownia.