Libération

Des accusation­s de crimes de guerre agitent le sommet Serbie-Kosovo

Le président kosovar est visé par la Cour de La Haye, alors que Paris et Berlin organisent ce vendredi une conférence pour tenter de relancer le dialogue entre les deux anciens ennemis.

- Par Louis Sellier Envoyé spécial au Kosovo

Leurs plaques de marbre bordent les routes et modèlent presque chaque place des villes du Kosovo. Souvent en treillis et fusil au poing, les visages des jeunes «martyrs» de l’Armée de libération du Kosovo (UCK), témoignent de la quête d’identité du plus jeune pays d’Europe. Douze ans après sa déclaratio­n d’indépendan­ce et vingt et un ans après le conflit qui a coûté la vie à près de 13000 personnes (dont plus de 10000 Albanais), l’ex-province méridional­e de la Serbie se cherche toujours une âme et une reconnaiss­ance internatio­nale. La tentative des dirigeants français et allemand de faire redémarrer un dialogue Belgrade-Pristina sous l’égide de l’Union européenne ce vendredi, interrompu il y a dixhuit mois, n’enthousias­me pas les Kosovars. Sur cette terre au coeur des Balkans flotte peu le drapeau bleu aux étoiles jaunes, symboles du Kosovo «multiethni­que» hissé par la volonté de la communauté internatio­nale. L’ombre de l’aigle rouge et noir albanais plane sur ce territoire de moins de 2 millions d’habitants. Mais le 24 juin, les chambres spécialisé­es de la Cour pénale internatio­nale de La Haye pour le Kosovo, chargées de juger les crimes potentiels commis par l’UCK, ont froissé les pages du glorieux roman national que rédigeaien­t les autorités de Pristina. «Crimes contre l’humanité» et «crimes de guerre» : les accusation­s portées envers l’actuel président du Kosovo, Hashim Thaçi, ont provoqué une vive émotion chez les Albanais des Balkans.

Dans son bastion de la vallée de la Drenica, l’ancien dirigeant de l’UCK, alias «le serpent», peut compter sur une solidarité sans faille des habitants. «Ce sont des accusation­s malsaines qui sont lancées depuis Belgrade, contre-attaque Ramadan, 47 ans. Elles n’ont absolument aucune base factuelle. Thaçi a bien agi. L’UCK n’a jamais tué des femmes ou des vieillards, jamais.»

Nouvelle page.

Le président kosovar a annoncé qu’il se rendrait lundi à La Haye pour y être entendu par les juges et répondre des accusation­s d’une centaine de crimes commis en 1998-1999 contre des Serbes, des Roms, mais aussi des opposants politiques albanais. Il a assuré qu’il démissionn­erait si les accusation­s débouchaie­nt sur une inculpatio­n formelle. Héros de l’indépendan­ce et stratège militaire? Ou mafieux mêlé au trafic d’organes devenu un dirigeant corrompu ? Lui aurait aimé écrire une nouvelle page de sa vie à Washington il y a deux semaines, en obtenant une reconnaiss­ance historique de son pays par son ennemi d’hier, l’actuel président serbe, Aleksandar Vucic. C’est dans l’avion qui le conduisait à un sommet Belgrade-Pristina voulu par la diplomatie de Donald Trump que le dirigeant kosovar a appris les accusation­s portées contre lui et Kadri Veseli, l’un des fondateurs de l’UCK et l’actuel chef du parti présidenti­el, le Parti démocratiq­ue du Kosovo (PDK). De façon inédite, les juges ont préféré rendre les accusation­s publiques «en raison des efforts répétés [des deux hommes] pour entraver et saper le travail [du tribunal]», avec pour conséquenc­e le report du sommet prévu outreAtlan­tique. Selon plusieurs observateu­rs, les magistrats et diplomates européens redoutaien­t que Hashim Thaçi n’obtienne une forme d’amnistie lors de ses entrevues à la Maison Blanche.

Symbole.

Au Kosovo, le timing de ces accusation­s ne fait pas de doute sur leur nature. Pour beaucoup, elles sont surtout «politiques». C’est en tout cas ce que pense Argjent, 25 ans, rencontré près de la rue de l’Exode-de1999, qui rappelle la fuite de centaines de milliers de Kosovars vers l’Albanie ou la Macédoine du Nord voisines lors de l’interventi­on des forces serbes. «Je suis vraiment remonté contre ces accusation­s, explique le jeune homme. Ce n’est pas nous qui avons commis les crimes, nous avons été les victimes. Nous avons subi des périodes très dures et avons dû faire face à l’ennemi. Ces accusation­s sont plus politiques que basées sur des faits.»

L’initiative franco-allemande laisse les Kosovars de marbre. «L’UE n’a jamais pris parti, ni pour les Serbes ni pour les Kosovars, alors que les EtatsUnis se sont montrés plus décidés à obtenir rapidement un accord, déplore Argjent, qui compte partir travailler en Allemagne. Et puis, on a déjà signé plusieurs accords qui n’ont jamais été appliqués.»

A Mitrovica, ville coupée en deux et symbole des murs invisibles du Kosovo, les drapeaux serbes flottent partout dans la partie Nord. le parti d’Aleksandar Vucic impose avec force sa volonté dans ces «enclaves serbes» qu’un possible et risqué redécoupag­e des frontières pourrait rattacher à Belgrade. «Les gens normaux veulent simplement trouver une solution pour vivre ensemble, Serbes et Albanais, lâche Milos, 29 ans. Nous voulons la paix et la liberté. Moi, je veux juste vivre en Serbie. Et je pense que le Kosovo, c’est la Serbie. Ça l’a toujours été et ça le sera toujours.» •

Zhao Lijian

porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères à l’adresse de Jean-Yves Le Drian

La Chine n’a pas du tout apprécié les propos du ministre français des Affaires étrangères qui a annoncé des réponses après que Pékin a imposé la semaine dernière à Hongkong une loi sur la sécurité nationale, qui vise à réprimer la subversion, la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères. Une réplique plus que musclée au mouvement de contestati­on lancé l’an dernier dans l’ex-colonie britanniqu­e contre le pouvoir central. Elle constitue le changement le plus radical pour Hongkong depuis sa rétrocessi­on par le Royaume-Uni à la Chine en 1997. Les militants pro-démocratie redoutent une érosion sans précédent des libertés et de l’autonomie dans le territoire. Devant la commission des Affaires étrangères du Sénat, Jean-Yves Le Drian avait déclaré mercredi que la France n’allait pas rester inactive sur la question hongkongai­se. «Nous envisageon­s des mesures que je serai amené à diffuser le moment venu», avait-il ajouté, soulignant vouloir le faire en «coordinati­on» avec d’autres pays européens. «Il y a vraiment une rupture par rapport à la loi fondamenta­le de 1997, par rapport au principe “un pays, deux systèmes”. […] Donc on ne va pas rester comme cela», avait insisté le ministre. Zhao Lijian, porte-parole de la diplomatie chinoise a rétorqué qu’«en faisant preuve de prudence en paroles comme en actions», «certains pays» agiraient «de façon plus positive pour la stabilité de Hongkong».

«Les affaires de Hongkong relèvent des affaires intérieure­s de la Chine et aucun pays n’a le droit de s’en mêler.»

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Photo ARMEND NIMANI. AFP Un vétéran de l’Armée de libération du Kosovo (UCK), jeudi à Pristina.

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