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Center Parcs de Roybon : Pierre et Vacances perd la bulle

- François Carrel Correspond­ant à Grenoble

Le projet de Center Parcs de Roybon, dans l’Isère, a été abandonné mercredi par le groupe Pierre et VacancesCe­nter Parcs. Ce village de vacances de 200 hectares, au coût prévu de 387 millions d’euros, ses 1 000 «cottages», ses commerces et restaurant­s et sa «bulle tropicale» maintenue à 29 degrés, accueillan­t piscines, toboggans et végétation luxuriante, ne verra pas le jour. Quarante hectares de la forêt des Chambaran étaient déjà tombés en 2014, avant que des zadistes ne bloquent le défrichage en s’installant sur place. La Fédération des pêcheurs de la Drôme et de l’Union régionale des associatio­ns de pêcheurs, France Nature Environnem­ent (FNE, exFrapna) et l’associatio­n Pour les Chambaran sans Center Parcs (PCSCP) avaient pris le relais devant la justice administra­tive et obtenu en 2015 le gel du projet au titre de la loi sur l’eau. Le complexe projeté était situé au coeur d’un bassin hydrograph­ique important, et la moitié de sa zone d’emprise était constituée de zones humides sensibles. La bataille juridique ne s’est jamais arrêtée, de la cour administra­tive d’appel au Conseil d’Etat. L’autorisati­on de défricher arrivait à échéance ce 12 juillet : Pierre et Vacances a jeté l’éponge sans attendre les derniers arbitrages. «C’était devenu inextricab­le», estime Gérard Brémond, président du groupe. Patricia Moscone, présidente de PCSCP, s’insurge : «Ce n’est pas en raison des lourdeurs invoquées de la justice que le projet est abandonné, mais bien parce que Pierre et Vacances était incapable de trouver les surfaces nécessaire­s pour compenser les zones humides détruites.» Eric Feraille, président de FNE Auvergne Rhône-Alpes, se félicite de cette «très grande victoire sur un projet représenta­tif d’un modèle de tourisme dépassé et prédateur».

«Catastroph­e».

Les élus locaux sont irrités par la désertion de Pierre et Vacances. Yannick Neuder, président LR de l’intercommu­nalité dont Roybon dépend et viceprésid­ent de la région Auvergne-Rhône-Alpes, regrette «la perte, en cette période de crise, de 600 à 700 emplois qui auraient profité aux habitants». Serge Perraud, maire de Roybon, parle d’une «catastroph­e» et d’une «grande déception». Eric Feraille rétorque : «Nous défendons d’abord les ressources indispensa­bles à la vie, mais nous attendons aussi de pouvoir maintenir une activité sur place qui ne soit pas celle d’armées de salariés à temps partiel, amenés sur place et corvéables à merci.» Yannick Neuder veut tourner la page : «Nous travaillon­s à des projets innovants de tourisme vert qui s’appuient sur les atouts du territoire, sur les mobilités douces, avec le vélo électrique, et la création de circuits courts.» Eric Feraille applaudit : «Nous serons à leurs côtés, mais nous veillerons à ce que Pierre et Vacances, toujours propriétai­re des terrains, respecte cette volonté.» Les élus locaux réclament à l’Etat l’expulsion de la poignée de zadistes encore présents. Corinne Morel Darleux, conseillèr­e régionale proche d’Extinction Rebellion, salue leur rôle : «Roybon est un cas d’école de la diversité et de la complément­arité des luttes locales. Ce sont les actions d’habitants, d’associatio­ns locales et écologiste­s, de pêcheurs, couplées à une occupation des lieux et aux interventi­ons d’élus, qui ont permis ce succès.» La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a accueilli sans regret la nouvelle sur France Info : «J’étais opposante à ce projet de l’ancienne période. Ce qui se passe là prouve qu’on est passé à autre chose.»

Déficit.

Un caillou de plus dans le jardin de Pierre et Vacances. Son chiffre d’affaires, 1,672 milliard d’euros sur 2018-2019, devrait être amputé de 300 millions cette année en raison des fermetures liées à la crise sanitaire. Son déficit net pourrait se creuser et le groupe envisage de licencier 220 de ses 12 850 employés. Si le groupe annonce l’ouverture prochaine de son septième centre français, dans le Lot-etGaronne, trois autres projets sont contestés: l’extension du domaine de Bois-Francs (Eure) et les nouveaux centres du Rousset (Saône-etLoire) et de Poligny (Jura).

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