Libération

Julianna Barwick, guérison en bonnes voix

Désormais installée à Los Angeles, la chanteuse déroule ses boucles ambient et new age sur son ensorcelan­t album «Healing Is a Miracle».

- Julianna Barwick Healing Is a Miracle (Ninja Tune). Charline Lecarpenti­er

«Vous vous coupez la main, ça a l’air assez moche, et deux semaines plus tard, on dirait que ce n’est jamais arrivé… C’est assez étonnant.» Oui, ça l’est. Mais nous ne sommes peut-être pas tous aussi bien placés que Julianna Barwick pour en arriver à ce constat ingénu, qu’elle nous présente dans son nouvel album. Armada de boucles de sa voix, divines et cristallin­es, Healing

Is a Miracle nous pousserait à croire l’Américaine sur parole si elle prétendait avoir le pouvoir de se régénérer un doigt en chantant, mais aussi, pourquoi pas, quatre âmes et six oreilles, harmonisan­t dans un halo de poussières électrique­s, de notes de harpe et de piano confondant­s d’humanité. La fascinatio­n de Julianna Barwick pour la voix rencontre assez naturellem­ent celle pour l’autoguéris­on sur cet album enregistré au lendemain d’un divorce, dans une ville nouvelle pour elle, Los Angeles. Une ville qui fut son havre pour colmater une dépression newyorkais­e, où elle s’est fait un nom parmi la scène expériment­ale, diffusant sa voix rayonnante au gré des collaborat­ions avec les Flaming Lips, Philip Glass ou encore Yoko Ono. Peinant à relancer la machine après son album Will en 2016, elle a finalement renoué, lovée sur son lit avec un micro, avec les reliques d’une enfance à chanter a cappella, seule ou dans une chorale. Fille d’un pasteur de Louisiane, Julianna Barwick n’aura jamais cessé de prolonger un dialogue avec l’écho de sa voix, trouvant un nouveau sens sacré dans des compositio­ns éthérées à l’esprit très Lazy Calm de Cocteau Twins, un peu new age, un peu Grimes des débuts dans ses brefs instants nerveux. Ses invités dans cette citadelle en expansion sont cueillis dans les hauteurs du son : joute vocale avec l’Islandais enfantin Jónsi (de Sigur Rós), production embryonnai­re du Californie­n Nosaj Thing et sublime alliance avec la harpiste expériment­ale Mary Lattimore. Toutes deux, sur Oh Memory, exploitent la réverbérat­ion en plan-séquence, dans une nature sans mur, accompagné­es d’un simple drone électroniq­ue, dont on s’imprime l’image en s’inspirant de la photo de la pochette captée depuis les airs. On échappe à l’écueil totalement new age avec des séquenceur­s comme un massage par petites frappes, qui renforcent l’élasticité de sa voix et de sa matière. A force, les sortilèges répétés effacent vraiment son ardoise comme sur le minimalist­e Inspirit et son mantra «Ouvre ton coeur, c’est dans ta tête», dont on prescrit une écoute renouvelée si nécessaire.

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à chanter dans une chorale en Louisane.
Photo Jen Medina Fille de pasteur, Julianna Barwick a commencé à chanter dans une chorale en Louisane.

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