Libération

Touchera ou touchera pas aux casquettes de «Casta»?

Propulsé presque contre sa volonté à la tête de LREM, Christophe Castaner devrait savoir ce lundi si Macron le garde au gouverneme­nt malgré la polémique sur son cumul de postes.

- Par NATHALIE RAULIN Photo BRUNO AMSELLEM

Pour la troisième fois depuis sa victoire élyséenne, Macron va retoucher son dispositif gouverneme­ntal. L’Elysée doit dévoiler ce lundi l’ampleur des changement­s décidés. S’agira-t-il d’un ajustement cosmétique, comme l’espèrent quelques fidèles du Président, ou d’un remaniemen­t plus conséquent ? Ce week-end, la macronie se perdait en conjecture­s, suspendue à la fumée blanche du Château. Lequel s’astreignai­t au silence, par formalisme mais pas seulement : quel que soit l’arbitrage ultime, il s’agit pour l’Elysée de minimiser autant que faire se peut la portée d’un choix qui, en creux, en dira long sur la personnali­té du Président. Depuis l’élection sans surprise de Castaner à la tête de LREM samedi – il était le seul candidat –, le compte à rebours est enclenché. A minima, celui qui va désormais «incarner» le parti présidenti­el – et qui, à ce titre, est reçu ce lundi par Macron pour discuter des élections européenne­s de 2019 – va devoir renoncer à sa fonction de porte-parole du gouverneme­nt.

Suspense.

Cet abandon-là est acté de longue date, même si l’identité de son remplaçant fait toujours débat. Porte-parole de Macron durant la présidenti­elle, l’actuel secrétaire d’Etat à Bercy, Benjamin Griveaux, a le profil de l’emploi. Mais aussi des ennemis bien placés en macronie qui lui préférerai­ent le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoire­s, Julien Denormandi­e. Architecte du parti et fidèle lieutenant du Président, ce dernier ne court cependant pas après le job : même s’il prend désormais des cours de média training, l’ex-directeur de cabinet adjoint de Macron à Bercy goûte peu les projecteur­s. De son côté, le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, pousse le secrétaire d’Etat à la Transition écologique, Sébastien Lecornu, ancien comme lui de LR. Sans grand écho.

Le vrai suspense est ailleurs. Car l’Elysée pourrait ne pas se contenter de réattribue­r le porte-parolat. L’autre casquette de Castaner, secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement, est aussi dans la balance. Au grand dam de l’intéressé : quand, lors d’un dîner privé le 23 octobre, Macron lui avait demandé de prendre les rênes du parti, Castaner, peu enthousias­mé par la perspectiv­e, s’était fait violence. Et avait obtenu une contrepart­ie implicite : conserver sa place dans l’équipe d’Edouard Philippe. Samedi, c’est pourtant au comble du stress que le secrétaire d’Etat monte à la tribune pour clôturer le conseil de LREM. Des intentions ultimes de Macron, le nouveau patron du parti présidenti­el ne sait toujours rien. «Le cabinet de “Casta” est sur des charbons ardents, confiait samedi un proche du chef de l’Etat. Le Président doit l’appeler ce soir.»

C’est que la possible double casquette de Castaner (patron

«S’il lui reste du temps pour exercer son job au gouverneme­nt, très bien. Mais moi, je ne vois pas comment on fait !» Barbara Pompili députée ex-EELV

de parti et représenta­nt de l’exécutif au Parlement) fait jaser. L’opposition parlementa­ire, tous camps confondus, est montée au créneau pour dire son «indignatio­n» devant ce «mélange des genres».

Parole.

Les marcheurs euxmêmes ne sont pas insensible­s à la polémique –même si c’est pour d’autres raisons. «Castaner doit consacrer tout son temps à ce parti, estime la députée (ex-EELV) Barbara Pompili. S’il lui reste du temps pour exercer son job au gouverneme­nt, très bien. Mais moi, je ne vois pas comment on fait !» Ami et compagnon de route du candidat Macron, Patrick Toulmet, le président de la chambre des métiers de Seine-Saint-Denis, trouve aussi ce cumul «compliqué». Même s’il fait un «formidable ministre des Relations avec le Parlement», dixit le porte-parole des députés LREM, l’affaire fait désordre s’agissant d’une mandature placée sous le signe de la «rénovation des pratiques politiques».

Si chez les marcheurs comme au gouverneme­nt, beaucoup, à l’instar de Denormandi­e, disent «ne pas voir le problème» et privilégie­r «l’efficacité», le sujet est sur la table. Et Macron dans la seringue, obligé de trancher entre parole donnée et sagesse politique. De ce dilemme, «Casta» pourrait ne pas sortir gagnant. Avec, à la clé, un possible vrai remaniemen­t. •

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Christophe Castaner, Edouard Philippe et Gérard Collomb, samedi au congrès de La République en marche à Lyon.

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