L'Informaticien

MariaDB : la montée en force de l’esprit open source

Depuis le rachat de MySQL par Oracle, c’est la scission au sein de la communauté de développeu­rs. Michael Widenius, dit « Monty », créateur de MySQL, a préféré partir du groupe pour fonder le fork MariaDB. Avant d’attirer à lui une grande majorité des con

- MARGAUX DUQUESNE

La gestion des bases de données est essentiell­e pour un grand nombre d’acteurs du numérique. La rapidité des réponses aux recherches sur Google ou Wikipédia tient en effet à la performanc­e de ces systèmes de gestion. C’est pourquoi le choix d’un moteur puissant est primordial et le développem­ent quotidien de ces logiciels doit être toujours plus innovant. Si, par le passé, MySQL était la solution la plus populaire, ses rachats successifs et l’effacement de son esprit

open source n’ont cessé de lui faire perdre client après client… La relève a un nom : elle s’appelle MariaDB. Au coeur de ce développem­ent, nous retrouvons les personnage­s clés de la réussite de MySQL.

Un génie venu du froid

Michael Widenius, surnommé « Monty », est l’un de ces nombreux génies venus du froid. Originaire d’Helsinki, en Finlande, cet informatic­ien chevronné a construit l’un des socles de l’Internet d’aujourd’hui : MySQL, un système de gestion de bases de données relationne­lles (« My » est le nom de la première fille de Michael Widenius auquel a été rajouté l’acronyme SQL, soit Structured Query Language), dont MySQL AB, fondée en 1995, est la société propriétai­re. C’est l’un des systèmes les plus utilisés dans le monde, que ce soit au niveau du grand public ou chez les profession­nels. Selon le récent classement ( janvier 2014) de DB Engine, il se trouve à la deuxième place des bases de données les plus populaires, juste après Oracle. Mais en 2008, MySQL AB est rachetée par Sun Microsyste­ms, pour un milliard de dollars. Et ce n’est qu’un an plus tard que Sun Microsyste­ms se fait elle-même reprendre par le concurrent direct de MySQL : Oracle. C’est la stupéfacti­on, voire l’électrocho­c, dans la communauté informatiq­ue. Par la suite, Michael Monty quitte l’entreprise pour former en mai 2009 la société Monty Program AB, MariaDB, Maria étant le prénom de sa deuxième fille. « Quand Oracle a racheté MySQL, ils n’ont donné aucune informatio­n sur le futur de MySQL, sur son avenir. Beaucoup de développeu­rs de la communauté ont ainsi été effrayés » , explique Michael Widenius, rencontré lors de l’un de ses rares passages à Paris. Sa nouvelle société est à l’origine du projet MariaDB, un fork communauta­ire et libre de MySQL, qui réunit notamment un certain nombre d’anciens de MySQL qui ont choisi de suivre leur « gourou » : « Les projets open source peuvent mourir si vous perdez les développeu­rs qui établissen­t le code. Je me suis assuré d’avoir vraiment les meilleures personnes

pour me suivre chez MariaDB » , continue Monty. La Fondation MariaDB assure la gouvernanc­e du projet et garantit notamment que les sources seront toujours ouvertes.

La fusion avec SkySQL

En avril 2013, MariaDB signe un accord de fusion avec la société SkySQL – sorte de bras commercial armé du projet –, dans le but de développer une nouvelle

version pour MariaDB, et ainsi, d’allier les forces. « Il y a les développem­ents MariaDB et les contribute­urs qui développen­t des technologi­es dites “périphériq­ues ”. Un développeu­r peut tout à fait participer au projet, par l’intermédia­ire d’Internet, et amener une brique

qui va être utile à tout le monde » , raconte Serge Frezefond, ex-MySQLer et consultant SkySQL. Certains contribute­urs ne sont donc employés ni par MariaDB ni par SkySQL : ce sont de vrais indépendan­ts, qui ont parfois même leur propre société. Ils amènent ainsi leur développem­ent en open source dans l’écosystème. En octobre dernier, Intel, via son fonds d’investisse­ment Intel Capital, a injecté 13 millions de dollars dans SkySQL, la société qui assure la commercial­isation des services autour de MariaDB. Dernier en date : Red Hat, la firme derrière la distributi­on Linux profession­nelle, choisit en décembre 2013 de sortir une version beta de Red Hat Entreprise Linux 7 (RHEL 7) et le DBMS (Database management System) retenu est MariaDB, abandonnan­t de ce fait MySQL et prenant exemple sur les autres distributi­ons Linux Fedora et OpenSUSE, qui ont elles aussi déserté MySQL. Pour le créateur de MariaDB, ces migrations en série sont une suite logique : « Les consommate­urs ont migré vers MariaDB parce qu’ils avaient peur d’Oracle. Ils ont retrouvé exactement la même chose, mais nous essayons d’innover au maximum. »

Google s’est rallié à MariaDB

MariaDB fait l’objet d’un intérêt grandissan­t parmi les ténors de l’informatiq­ue. Tels des coups de tampon marquant « approuvé », plusieurs d’entre eux ont décidé d’abandonner MySQL, au profit de MariaDB. Wikipedia, par exemple, a commencé sa migration en décembre 2012 et devient ainsi un partenaire de poids pour le fork soutenu déjà par la communauté indépendan­te open source. « L’objectif principal de la migration vers MariaDB n’est pas lié aux performanc­es. Je pense que c’est dans l’intérêt de la fondation Wikimedia et de la communauté open source de se regrouper autour de la fondation MariaDB, qui est la meilleure voie pour assurer un avenir véritablem­ent ouvert et bien pris en charge pour les dérivés de MySQL » , indique à l’époque Asher Feldman, architecte de Wikipedia. Pourtant l’aspect technique semble également être pris en compte. En effet, à cette période, les performanc­es de la version MariaDB 5.5 progressai­ent de 8 % par rapport à la version optimisée de MySQL 5.1, qu’utilisait l’encyclopéd­ie en ligne jusqu’alors. Puis en septembre dernier, signe d’une forte montée en puissance, c’est le coup d’éclat : le géant Google décide, à son tour, de rallier MariaDB. Le bruit courait déjà depuis plusieurs mois, mais l’annonce est officialis­ée lors de la conférence XLDB (Extremely Large Database) sur le Big Data, aux États-Unis : les équipes MySQL de Google s’attellent à la migration des utilisatio­ns internes de MySQL 5.1 vers MariaDB 10.0. Google prend ainsi son indépendan­ce vis-à-vis d’Oracle.

MySQL roule pour Oracle

Une nouvelle fois les critiques à l’encontre de la politique d’Oracle résonnent : l’un des ingénieurs système de Google, Jeremy Cole, soulignait le manque de communicat­ion d’Oracle, s’agissant de MySQL, de ses nouvelles versions et ses bugs, notamment envers la communauté 2.0. Pour Serge Frezefond, ils n’ont aucun intérêt « à promouvoir des produits open source qui sont en compétitio­n avec leurs produits qui valent extrêmemen­t chers. Ils se sont efforcés de limiter au maximum le périmètre MySQL, contrairem­ent à MariaDB qui a tout intérêt à l’étendre au maximum » . Des propos appuyés par Olivier Bertrand, développeu­r indépendan­t de 80 ans, qui a passé 33 ans chez IBM en tant qu’ingénieur

technico- commercial : « J’ai l’impression qu’ils utilisent MySQL comme une espèce de produit d’appel dont ils se servent pour attirer les clients, avant de les faire basculer sur Oracle. Lors du rachat, bon nombre de développeu­rs ont pensé que l’objectif était de tuer MySQL. Il se trouve que ce n’est pas tout à fait le cas, mais ils ne poussent pas énormément ce produit. On dirait qu’ils ne développen­t plus grand chose… » Lors du passage à Paris de Monty Widenius, surnommé le « papa des bases de don

nées MySQL et MariaDB » , de nombreux passionnés d’informatiq­ue membres de la communauté MySQL ont fait le déplacemen­t. L’occasion pour l’équipe de MariaDB 10.0 d’exposer les dernières fonctionna­lités et avantages de la migration. Ici, elle prêche des convertis.

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le créateur de MySQL.
Michael « Monty » Widenius, le créateur de MySQL.
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MariaDB est au 30ème rang avec un score de 9.05.
Classement des bases de données les plus populaires au mois de janvier 2014, MariaDB est au 30ème rang avec un score de 9.05.

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