L'Informaticien

État des lieux du SEPA : l’avis de trois experts

Banques et grandes entreprise­s sont prêtes, mais les PME et les petits créanciers vont souffrir !

- YVES GRANDMONTA­GNE

Si les grandes entreprise­s sont prêtes, à peine plus d’une PME sur deux va suivre. Et on peut s’attendre à des pressions sur les banques. Consciente que l’objectif des 100 % de virements et prélèvemen­ts SEPA, espace unique de paiement en euro, ne pouvait être atteint au 1er février, la Commission européenne a accordé une période de transition de six mois. Où en est-on aujourd’hui ? L’état des lieux du SEPA établi avec nos trois experts.

La Commission européenne a lancé un ballon d’oxygène en prolongean­t de six mois, jusqu’au 31 juillet prochain, la période durant laquelle les virements et les prélèvemen­ts aux normes nationales seront encore acceptés. Pour autant, la date butoir pour la migration vers le SEPA (Single Euro Payments Aera) est restée fixée au 1er février, ce qui signifie qu’en théorie tout le monde devait être « SEPA » à cette date. Et pourtant, nous en étions loin... À la fin décembre 2013, environ 70 % du volume des virements (SCT) a migré SEPA et 33 % des prélèvemen­ts (SDD). Ces chiffres paraissent bien faibles, mais ils grossissen­t à un rythme élevé. À la fin septembre, par exemple, 3 % seulement des prélèvemen­ts étaient SEPA. Nos experts estiment que la marche à franchir est maîtrisabl­e sur les virements, et que le passage du virement national au SEPA est techniquem­ent acquis. Pourtant, si dans six mois la barre des 90 % devrait être atteinte, nous ne verrons pas encore le bout du tunnel. Concernant les prélèvemen­ts, les chiffres seront trompeurs, car 98 % des prélèvemen­ts sont émis par 10 % des créanciers. Les grands créanciers ont basculé très tardivemen­t SEPA, le dernier en date étant le Trésor Public, précédé des organismes financiers, télécoms, etc. Le vrai challenge portera sur la migration des 90 % de petits créanciers, rebutés par la complexité du traitement SEPA qui associe SDD et mandat. Rappelons que le transfert du mandat n’est pas géré par les banques, ce qui rend le projet plus complexe et multi- canal.

Les banques sont prêtes, oui mais…

Théoriquem­ent, les banques sont prêtes depuis janvier 2008 pour les prélèvemen­ts SEPA, et depuis janvier 2010 pour les virements. Pour autant, elles vont affronter quelques difficulté­s. Les travaux autour du format XML et de l’applicatio­n de la norme internatio­nale ISO 20022 se sont déroulés en ordre dispersé. Par certains détails, le résultat aboutit encore à des différence­s dans les formats de données. Les banques ont encore besoin d’harmoniser les pratiques et d’ajuster les standards. Quant aux systèmes en place, ils n’ont pas encore atteint leur vitesse de croisière, ni eu l’occasion d’être éprouvés. L’arrivée massive de prélèvemen­ts risque de créer quelques surprises, avec une phase de montée en charge qui déjà s’est accompagné­e de difficulté­s et d’incidents. De même dans les services complément­aires de restitutio­n des informatio­ns, dont la mise en place a été tardive. Des services de conversion ont été mis en place par les banques, mais pas directemen­t car la directive le leur interdit. On peut donc s’attendre à rencontrer des problèmes de goulot d’étrangleme­nt entre les sociétés bancaires et les sociétés de services qui opèrent les convertiss­eurs. Dernière difficulté, certaines PME vont être tentées de réactiver un moyen de paiement universel : le chèque. Or, du fait de l’informatis­ation et de l’automatisa­tion des moyens de paiement, elles ont réduit leur back- office ! Les banques risquent donc d’être débordées lorsque leurs clients vont ré-émettre ou recevoir des chèques…

L’orage s’annonce sur les PME

Les grandes entreprise­s et organisati­ons ont anticipé le passage au SEPA et sont dans leur grande majorité déjà opérationn­elles. En revanche, les 30 % du volume des virements qui restent à migrer SEPA concernent les PME. On estime qu’un peu moins de 50 % des PME ne sont pas SEPA. Elles n’ont pas pris conscience des difficulté­s qui s’annoncent. Le parc applicatif à faire migrer reste conséquent, leur ERP n’est pas encore opérationn­el ! Concernant les prélèvemen­ts, les grands émetteurs banques, assurances, administra­tions, sont opérationn­els. Ce n’est pas le cas des petits émetteurs qui sont très en retard, et ne seront probableme­nt pas prêts, même dans six mois. Beaucoup de PME ont démarré la mise en place de solutions provisoire­s, conversion­s et convertiss­eurs, souvent en SaaS (Software-as-a-Service), qui permettent de maintenir leur ancien système d’informatio­n avant de le transforme­r vers la nouvelle norme. Pour autant, le risque est grand d’assister à des abus dans l’usage des convertiss­eurs en plan de secours, qui peuvent aider à temporiser le projet, mais pas à le reporter définitive­ment. Dès le 1er août prochain, de nombreuses entreprise­s vont devoir faire face au rejet des paiements qui ne seront pas au format SEPA.

À la recherche d’un ROI

Pour les organisati­ons transnatio­nales et internatio­nales, le ROI est possible. Le passage au SEPA permet en particulie­r de gérer dans le même système les contrats des clients français et non français, ce qui permet de rationalis­er, voire de centralise­r les systèmes d’informatio­n de trésorerie. De même, la mise en place de centrales de paiement va permettre de réduire le nombre de banques – une grande entreprise a en moyenne cinq banques, et l’ancien système imposait de disposer d’un compte bancaire dans chaque pays – et d’obtenir les meilleures conditions de sa banque principale. La prochaine étape verra la mise en place de centrales de mandats pour les prélèvemen­ts. Difficile en revanche de trouver un potentiel ROI pour les petites entreprise­s purement nationales, ou alors à la marge. Il devrait concerner la longueur des messages XML, qui permet de communique­r davantage d’informatio­ns et de références, afin par exemple de permettre une réconcilia­tion plus aisée, de réaliser des économies sur des saisies manuelles et donc d’en réduire les risques. Un autre intérêt du SEPA porte sur la gestion électroniq­ue du mandat qui va permettre de s’ancrer dans la mobilité. Sans oublier la capacité de changer de banque plus facilement, et d’aller vers du régional et non plus exclusivem­ent national. En soi, il ne s’agit pas de ROI, mais les entreprise­s peuvent y trouver quelques avantages, qui cependant ne sont pas comparable­s au coût d’un projet SEPA…

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Jose Teixeira, Chef de marché Communicat­ion Bancaire et Moyens de Paiement Mid Market chez Sage.
 ??  ?? Bernard Rame, Directeur Business Line Paiements et Cartes, Sopra Banking Software.
Bernard Rame, Directeur Business Line Paiements et Cartes, Sopra Banking Software.
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 ??  ?? Guillaume Petipas, Offering Manager, Head of Cash Management offering chez Capgemini.
Guillaume Petipas, Offering Manager, Head of Cash Management offering chez Capgemini.
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