Le marketing bientôt devant l’IT !
Les dépenses en marketing des entreprises explosent depuis quelques années. Elles rattraperont bientôt celles des directions informatiques. À l’heure où les pépites françaises s’arrachent et s’internationalisent, des solutions innovantes voient le jour.
S'il fallait des chiffres pour confirmer l'explosion des ressources marketing dans les entreprises, vous allez être servi ! 2017, dans trois ans, sera une année importante : les directions marketing dépenseront alors plus que les directions informatiques. Et ce n'est pas étonnant. Les dépenses IT des entreprises deviennent de plus en plus des charges de fonctionnement plutôt que des dépenses d'investissement. Nous le voyons régulièrement et les technologies à la mode – le Cloud, le SaaS/IaaS/ PaaS, l'infogérance, les services managés mais aussi, à une autre échelle, la virtualisation – sont de plus en plus externalisées. Résultat : les entreprises dépensent moins en achats ponctuels. De plus, l'automatisation des ressources informatiques et de leur maintenance nécessite de moins en moins de temps homme en règle générale. D'où l'investissement des entreprises dans d'autres canaux transverses, à l'image des ressources marketing. D'autre part, le marketing s'industrialise par la force des choses, et s'appuie de plus en plus sur des produits technologiques. Les tendances comme le Big Data ont envahi l'entreprise à tous les niveaux, y compris marketing à mesure que les blogs, les réseaux sociaux et autres éléments contributifs extérieurs à l'entreprise se multiplient. Les grands comptes espèrent en tirer des avantages et surtout, conserver un avantage concurrentiel. Enfin, c'est déjà le cas dans beaucoup de grandes entreprises américaines : les budgets marketing sont supérieurs à ceux de l'IT et surtout continuent de croître plus rapidement.
Du marketing au marketing 2.0 « digital »
S'il faut encore se convaincre du bien-fondé des informations précédentes, regardons les récents rachats des entreprises et éditeurs qui seront donc les principaux pourvoyeurs de solutions marketing : Salesforce.com s'est offert ExactTarget, Teradata a raflé Aprimo, Oracle a absorbé Eloqua, IBM a avalé Unica et, plus récemment, Adobe s'est attaché les services du Français Neolane. À mesure que les logiciels marketing prennent de l'ampleur, il faudra également que les directions métier apprennent à se côtoyer ; ce qui est loin d'être simple et évident dans les entreprises que nous visitons au jour le jour. C'est l'organisation fonctionnelle qui est bouleversée. De plus, une nouvelle organisation implique également de nouvelles règles. C'est de concert que les directions IT et marketing devront gérer des contraintes comme la gestion des risques : la communication sur une grande diversité de platesformes sociales accroît en effet les risques, de la protection des mots de passe jusqu'aux contraintes de confidentialité clients. Ce qui induit une politique de mise en conformité plus sophistiquée. Enfin, l'expérience client, au centre des préoccupations, devient quant à elle plus exigeante avec des besoins d'analyse, de personnalisation et d'automatisation en temps réel. Voici les principaux éléments de la « digitalisation » du marketing – un secteur qui semble allergique au « numérique » –, dont les besoins IT sont eux aussi grandissants.
Plusieurs pépites françaises
Le marché français des solutions marketing est en plein essor. Comme déjà évoqué, Neolane – expert du marketing cross-canal – fait désormais partie
du tentaculaire Adobe ; les 600 millions de dollars déposés sur la table ont eu le dessus sur ses ex-velléités d'indépendance. Le 30 octobre 2013, un autre Français, Criteo, spécialiste du ciblage publicitaire, faisait son entrée au Nasdaq de New York avec succès. Face à ces deux poids lourds, d'autres Français tentent de se frayer un chemin en innovant. C'est le cas du Toulousain Devatics, qui se concentre sur son outil de marketing comportemental en temps réel ; une solution principalement utilisée par des e-commerçants, mais pas uniquement. D'ailleurs, le boom de l'e- commerce a fait fleurir plusieurs start-up spécialisées dans la performance de ces sites marchands. Toutefois, la start-up Devatics est née de… la recherche sur l'intelligence artificielle (IA). « Au début des années 2000, nous travaillions sur des sites web auto- adaptatifs, capables de se modifier en temps réel afin d’en améliorer les performances » , explique Romulus Grigoras, fondateur et PDG de Devatics. L'idée était donc de travailler sur l'IA pour anticiper les chargements des éléments de certaines pages web dans le but d'en accélérer l'affichage des contenus de manière proactive. Ce n'est qu'en 2007 qu'un logiciel a été développé avant qu'il soit appliqué spécifiquement à l'e-commerce. En 2010, Devatics est créé dans le but d'apporter de la personnalisation en temps réel sur les sites marchands : du marketing comportemental.
Un petit Neolane
« Nous sommes un petit Neolane ! » , s'amuse Romulus Grigoras, puisque l'entreprise accompagne un site web sur plusieurs canaux. « Notre but est de détecter et d’analyser en temps réel le comportement de l’internaute. » La solution proposée est donc basée sur plus de dix ans de recherche dans l'IA : elle apprend et s'améliore au fil du temps en tenant compte de ses succès comme de ses échecs. « Le but est de converger vers un argumentaire marketing et commercial
optimal » , précise le fondateur. L'outil est basé sur de la prédiction et de la prévision – la différence entre les deux : chacun prévoit qu'il mourra mais qui peut prédire quand ?, ndlr. Concrètement : si 90 personnes sur 100 qui ont acheté les objets A et B ont aussi acheté l'objet C, on peut estimer qu'une personne ayant acheté A et B sera intéressée par l'objet C. Cela se traduit dans la solution Devatics par l'envoi d'une promotion pour l'inciter à y aller, par exemple. Bien entendu, tout n'est pas aussi simple car chaque être étant unique, chaque client a un « comportement déviant » par rapport à un comportement moyen. Autre cas : si un client dépose un article dans son panier en ligne puis multiplie les aller-retour sans valider sa commande, le logiciel recommandera certainement de proposer une réduction sur les frais de port par exemple, pour inciter à l'acte d'achat. Ce qui indique aussi que, si ce genre de solutions se démocratise, chacun aura une expérience différente sur le Web.
Simuler un bon vendeur en magasin
Le but ultime est, en effet, de simuler le comportement d'un bon vendeur en magasin : « Lorsque un client arrive, le vendeur le salue, l’observe et vient aider. C’est lui qui sait à quel moment il faut jouer sur le prix pour inciter à l’achat » , explique encore Romulus Grigoras, qui reconnaît qu'il reste un gros travail pour simuler par l'IA le comportement d'un bon vendeur ! Sans compter qu'il faut savoir s'adapter à la clientèle. Celle de Samsung n'est pas celle de Nokia ; le discours doit donc être personnalisé. C'est aussi l'importance des cookies, qu'utilise la solution Devatics. « Nous les utilisons pour améliorer l’expérience du visiteur et non pas pour croiser les données entre les sites comme d’autres pourraient le faire. » Le PDG de l'éditeur estime que chaque enseigne a le droit d'avoir accès à cette information, pour « soigner son client ». Vie privée ou pas, il est agréable que Amazon nous recommande des livres pertinents selon notre profil consommateur ! Et comme bon nombre de solutions actuelles, Devatics se déploie via un tag présent sur toutes les pages du site, qui renvoie à un JavaScript qui redirige vers un serveur. Le travail de l'éditeur consiste aussi à régler son outil pour un commerçant afin d'éviter les « démarrages à froid ». En ce qui concerne le temps d'apprentissage, il « dépend de nombreux facteurs mais plus le site est gros, mieux c’est » , conclut Romulus Grigoras.