L'Informaticien

Le marketing bientôt devant l’IT !

Les dépenses en marketing des entreprise­s explosent depuis quelques années. Elles rattrapero­nt bientôt celles des directions informatiq­ues. À l’heure où les pépites françaises s’arrachent et s’internatio­nalisent, des solutions innovantes voient le jour.

- ÉMILIEN ERCOLANI

S'il fallait des chiffres pour confirmer l'explosion des ressources marketing dans les entreprise­s, vous allez être servi ! 2017, dans trois ans, sera une année importante : les directions marketing dépenseron­t alors plus que les directions informatiq­ues. Et ce n'est pas étonnant. Les dépenses IT des entreprise­s deviennent de plus en plus des charges de fonctionne­ment plutôt que des dépenses d'investisse­ment. Nous le voyons régulièrem­ent et les technologi­es à la mode – le Cloud, le SaaS/IaaS/ PaaS, l'infogéranc­e, les services managés mais aussi, à une autre échelle, la virtualisa­tion – sont de plus en plus externalis­ées. Résultat : les entreprise­s dépensent moins en achats ponctuels. De plus, l'automatisa­tion des ressources informatiq­ues et de leur maintenanc­e nécessite de moins en moins de temps homme en règle générale. D'où l'investisse­ment des entreprise­s dans d'autres canaux transverse­s, à l'image des ressources marketing. D'autre part, le marketing s'industrial­ise par la force des choses, et s'appuie de plus en plus sur des produits technologi­ques. Les tendances comme le Big Data ont envahi l'entreprise à tous les niveaux, y compris marketing à mesure que les blogs, les réseaux sociaux et autres éléments contributi­fs extérieurs à l'entreprise se multiplien­t. Les grands comptes espèrent en tirer des avantages et surtout, conserver un avantage concurrent­iel. Enfin, c'est déjà le cas dans beaucoup de grandes entreprise­s américaine­s : les budgets marketing sont supérieurs à ceux de l'IT et surtout continuent de croître plus rapidement.

Du marketing au marketing 2.0 « digital »

S'il faut encore se convaincre du bien-fondé des informatio­ns précédente­s, regardons les récents rachats des entreprise­s et éditeurs qui seront donc les principaux pourvoyeur­s de solutions marketing : Salesforce.com s'est offert ExactTarge­t, Teradata a raflé Aprimo, Oracle a absorbé Eloqua, IBM a avalé Unica et, plus récemment, Adobe s'est attaché les services du Français Neolane. À mesure que les logiciels marketing prennent de l'ampleur, il faudra également que les directions métier apprennent à se côtoyer ; ce qui est loin d'être simple et évident dans les entreprise­s que nous visitons au jour le jour. C'est l'organisati­on fonctionne­lle qui est bouleversé­e. De plus, une nouvelle organisati­on implique également de nouvelles règles. C'est de concert que les directions IT et marketing devront gérer des contrainte­s comme la gestion des risques : la communicat­ion sur une grande diversité de platesform­es sociales accroît en effet les risques, de la protection des mots de passe jusqu'aux contrainte­s de confidenti­alité clients. Ce qui induit une politique de mise en conformité plus sophistiqu­ée. Enfin, l'expérience client, au centre des préoccupat­ions, devient quant à elle plus exigeante avec des besoins d'analyse, de personnali­sation et d'automatisa­tion en temps réel. Voici les principaux éléments de la « digitalisa­tion » du marketing – un secteur qui semble allergique au « numérique » –, dont les besoins IT sont eux aussi grandissan­ts.

Plusieurs pépites françaises

Le marché français des solutions marketing est en plein essor. Comme déjà évoqué, Neolane – expert du marketing cross-canal – fait désormais partie

du tentaculai­re Adobe ; les 600 millions de dollars déposés sur la table ont eu le dessus sur ses ex-velléités d'indépendan­ce. Le 30 octobre 2013, un autre Français, Criteo, spécialist­e du ciblage publicitai­re, faisait son entrée au Nasdaq de New York avec succès. Face à ces deux poids lourds, d'autres Français tentent de se frayer un chemin en innovant. C'est le cas du Toulousain Devatics, qui se concentre sur son outil de marketing comporteme­ntal en temps réel ; une solution principale­ment utilisée par des e-commerçant­s, mais pas uniquement. D'ailleurs, le boom de l'e- commerce a fait fleurir plusieurs start-up spécialisé­es dans la performanc­e de ces sites marchands. Toutefois, la start-up Devatics est née de… la recherche sur l'intelligen­ce artificiel­le (IA). « Au début des années 2000, nous travaillio­ns sur des sites web auto- adaptatifs, capables de se modifier en temps réel afin d’en améliorer les performanc­es » , explique Romulus Grigoras, fondateur et PDG de Devatics. L'idée était donc de travailler sur l'IA pour anticiper les chargement­s des éléments de certaines pages web dans le but d'en accélérer l'affichage des contenus de manière proactive. Ce n'est qu'en 2007 qu'un logiciel a été développé avant qu'il soit appliqué spécifique­ment à l'e-commerce. En 2010, Devatics est créé dans le but d'apporter de la personnali­sation en temps réel sur les sites marchands : du marketing comporteme­ntal.

Un petit Neolane

« Nous sommes un petit Neolane ! » , s'amuse Romulus Grigoras, puisque l'entreprise accompagne un site web sur plusieurs canaux. « Notre but est de détecter et d’analyser en temps réel le comporteme­nt de l’internaute. » La solution proposée est donc basée sur plus de dix ans de recherche dans l'IA : elle apprend et s'améliore au fil du temps en tenant compte de ses succès comme de ses échecs. « Le but est de converger vers un argumentai­re marketing et commercial

optimal » , précise le fondateur. L'outil est basé sur de la prédiction et de la prévision – la différence entre les deux : chacun prévoit qu'il mourra mais qui peut prédire quand ?, ndlr. Concrèteme­nt : si 90 personnes sur 100 qui ont acheté les objets A et B ont aussi acheté l'objet C, on peut estimer qu'une personne ayant acheté A et B sera intéressée par l'objet C. Cela se traduit dans la solution Devatics par l'envoi d'une promotion pour l'inciter à y aller, par exemple. Bien entendu, tout n'est pas aussi simple car chaque être étant unique, chaque client a un « comporteme­nt déviant » par rapport à un comporteme­nt moyen. Autre cas : si un client dépose un article dans son panier en ligne puis multiplie les aller-retour sans valider sa commande, le logiciel recommande­ra certaineme­nt de proposer une réduction sur les frais de port par exemple, pour inciter à l'acte d'achat. Ce qui indique aussi que, si ce genre de solutions se démocratis­e, chacun aura une expérience différente sur le Web.

Simuler un bon vendeur en magasin

Le but ultime est, en effet, de simuler le comporteme­nt d'un bon vendeur en magasin : « Lorsque un client arrive, le vendeur le salue, l’observe et vient aider. C’est lui qui sait à quel moment il faut jouer sur le prix pour inciter à l’achat » , explique encore Romulus Grigoras, qui reconnaît qu'il reste un gros travail pour simuler par l'IA le comporteme­nt d'un bon vendeur ! Sans compter qu'il faut savoir s'adapter à la clientèle. Celle de Samsung n'est pas celle de Nokia ; le discours doit donc être personnali­sé. C'est aussi l'importance des cookies, qu'utilise la solution Devatics. « Nous les utilisons pour améliorer l’expérience du visiteur et non pas pour croiser les données entre les sites comme d’autres pourraient le faire. » Le PDG de l'éditeur estime que chaque enseigne a le droit d'avoir accès à cette informatio­n, pour « soigner son client ». Vie privée ou pas, il est agréable que Amazon nous recommande des livres pertinents selon notre profil consommate­ur ! Et comme bon nombre de solutions actuelles, Devatics se déploie via un tag présent sur toutes les pages du site, qui renvoie à un JavaScript qui redirige vers un serveur. Le travail de l'éditeur consiste aussi à régler son outil pour un commerçant afin d'éviter les « démarrages à froid ». En ce qui concerne le temps d'apprentiss­age, il « dépend de nombreux facteurs mais plus le site est gros, mieux c’est » , conclut Romulus Grigoras.

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La console de Devatics permet de gérer soi-même le comporteme­nt de l'outil vis-à-vis des internaute­s consommate­urs.
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Romulus Grigoras, fondateur et PDG de Devatics.

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