L'Informaticien

L’Open Source permet d’accélérer l’innovation

Il y a juste un an, Alan Clark, qui a consacré toute sa carrière à l’Open Source, a été nommé président de la fondation Open Stack. L’occasion de clarifier avec lui ses missions et ses objectifs pour ce socle du Cloud computing.

- Alan Clark président de la Fondation Open Stack directeur des Initiative­s industriel­les chez SUSE

L’Informatic­ien : Quel est votre sentiment, votre constat, un an après votre nomination à la tête de la Fondation OpenStack ? Alan Clark :

Je suis extrêmemen­t enthousias­te ! L’année qui vient de s’écouler a été très chargée, avec beaucoup à faire, même s’il reste plein de choses à accomplir. Lorsque la fondation a été créée, notre intention n’était pas d’avoir un grand conseil, avec de nombreux membres. Aujourd’hui, nous avons 24 membres au conseil d’administra­tion ! Les gens nous disaient « vous ne vous en sortirez jamais » ! Mais avec du recul, c’est un mal pour un bien. On y retrouve les membres fondateurs (Rackspace et la NASA, ndlr), qui sont très actifs, très différents mais qui collaboren­t beaucoup, tout comme les milliers de membres de la communauté. C’est un groupe de passionnés qui va de l’avant avec tout de même beaucoup de points de vue divergents. Nous prenons beaucoup de temps pour écouter tout le monde, chacun échange et s’écoute. Mais cela est nécessaire pour prendre les bonnes décisions, l’intérêt d’OpenStack primant sur le reste.

Quels sont vos missions exactes en tant que président du conseil ? Quelle est votre vision à long terme pour OpenStack ? A. C. :

La première est de regarder vers l’avenir et tout d’abord, en 2014. L’une de mes missions est également ce que l’on appelle le « defining core », la stratégie principale en quelque sorte. Il s’agit de définir les outils d’OpenStack qui permettron­t, à l’avenir, à nos utilisateu­rs, d’avoir la meilleure expérience possible. Plus précisémen­t, nous sommes passés de deux projets à plus de vingt projets très rapidement. Ils ne concernent pas tous le coeur de la solution. Notre travail est d’identifier les process les plus importants. C’est grâce à cela qu’on s’assure que chaque utilisateu­r dispose des fonctionna­lités cruciales et, surtout, qu’elles fonctionne­nt. Quant à nos objectifs, il s’agit d’abord de remplir notre mission ! À savoir créer une plate-forme cloud ubiquitair­e pour les projets qu’ils soient publics ou privés. C’est un gros défi. On espère que la communauté va continuer à grossir ; elle en compte plus de 13 000 aujourd’hui.

Vous avez plusieurs casquettes – Linux Foundation, OpenStack Foundation, SUSE, The Open Group –, comment répartisse­zvous votre temps entre ces différente­s missions ? Et surtout, quel regard portez-vous sur l’Open Source en général ? A. C. :

Je suis un homme occupé ! Mais cela se fait surtout au jour le jour. Grâce à SUSE, j’ai l’occasion de passer la plupart de mon temps à m’occuper de « l’industrie ». Mais je m’organise surtout en fonction des priorités quotidienn­es. Quant à l’Open Source, selon moi, c’est surtout la possibilit­é donnée aux gens de collaborer et de travailler ensemble de manière ouverte et transparen­te. Effectivem­ent Microsoft, Google ou autres pourraient en dire autant. Mais il est aussi amusant de voir à quel point ces entreprise­s ont appris, et apprennent encore, à participer à des projets open source. Certains s’y refusent encore

mais de plus en plus s’inspirent de cette culture. On voit d’ailleurs plusieurs modèles différents : pour nous, OpenStack est très ouvert, tout le code est open source. On utilise une licence Apache, qui est très « libérale ». Tous les processus communauta­ires, par exemple les réunions pour lesquelles on utilise IRC, sont ouverts et transparen­ts. C’est tout cet ensemble qui définit un projet open source. De nombreuses entreprise­s parlent de l’Open Source sans vraiment l’être, ou pas entièremen­t. Nous sommes également ouverts à tous les membres individuel­s qui veulent bien nous rejoindre ; même s’il existe des statuts (Gold, Silver, etc.) pour les entreprise­s. En outre, l’Open Source permet aussi d’accélérer l’innovation. Beaucoup croient encore qu’il ne s’agit que de recopier ce que les autres ont fait. Mais dans la réalité, cela permet surtout d’aller plus vite. Regardez toutes les entreprise­s qui font partie de l’OpenStack Foundation. Elles ne sont pas là par hasard. Si vous voulez démarrer un projet cloud, vous avez besoin d’experts, de stockage, d’un réseau, d’une solution de gestion des identités, de sécurité, etc. Au sein de la fondation, vous pouvez déjà trouver tout ça puisque chacune apporte ses propres experts dans leurs domaines respectifs.

Quelles sont les futures grandes évolutions pour OpenStack ? Deviendra-t-il un standard pour le Cloud ? A. C. :

J’y compte bien ! OpenStack continue à grandir et nous sommes désormais sur un cycle de sortie produit à six mois. La prochaine version s’appellera Icehouse et six mois plus tard une nouvelle version dont le nom commencera par un « J ». Le nombre de fonctionna­lités est en croissance permanente dans chaque nouvelle version. L’actuelle version Havana a tout de même apporté plus de quatre cents nouveautés. Je pense que nous allons, dans les mois et années à venir, nous concentrer sur des aspects comme la haute disponibil­ité, le stockage ou encore le réseau et particuliè­rement le SDN (Software Define Network, ndlr), qui bouge beaucoup actuelleme­nt. Ces décisions sont issues d’une combinaiso­n de plusieurs choses, c’est inhérent à l’Open Source puisque tout le monde doit contribuer. Lorsque nous avons créé la fondation, nous savions que les retours d’expérience des utilisateu­rs et des développeu­rs sont extrêmemen­t importants. D’ailleurs, les retours sont très nombreux. Lors de notre dernier congrès en novembre, nous avions publié une étude sur les souhaits de la communauté concernant les évolutions d’OpenStack. Nous restons donc très attentifs sur ces retours, sur ce qui fonctionne bien ou moins bien, etc. Ainsi, nous avons le retour direct des utilisateu­rs mais pas seulement : nous avons aussi ceux des vendeurs comme SUSE, sur les fonctionna­lités, les bugs et autres problèmes rencontrés.

L’Open Source est, comme vous le soulignez, source de partage et de créativité. Existe-t-il des projets originaux basés sur OpenStack ? A. C. :

Effectivem­ent. La première surprise est de voir la diversité des entreprise­s qui utilisent OpenStack actuelleme­nt. Nous nous rendons également compte que ce socle est utilisé tant pour des projets publics que privés ou hybrides, dans des domaines comme l’e- commerce par exemple, et par des chercheurs, des université­s ou des gouverneme­nts. Nous avons eu affaire à

un cas assez intriguant, celui de MediaWiki (un ensemble de logiciels libres Open source, ndlr). Lorsque le projet a démarré, il disposait de bénévoles qui maintenaie­nt l’infrastruc­ture. À mesure que le projet a pris de l’ampleur, et qu’il a adopté OpenStack, ils se sont rendu compte que c’est en fait uniquement la communauté qui maintenait le site, sans avoir besoin de personnel en interne pour cela. Cela montre surtout la force commune et collaborat­ive d’un projet open source.

Les projets cloud sont souvent concentrés sur trois aspects essentiels, que sont le stockage, la puissance et la base de données. Quelle est le prochain aspect essentiel qu’il faudra apporter à un projet cloud ? A. C. :

C’est difficile à dire car il y a beaucoup de projets qui circulent et avancent en parallèle. De plus, il est complexe de mettre en avant un projet plutôt qu’un autre. Toutefois on peut parler d’autres aspects qui deviennent de plus en plus essentiels pour les utilisateu­rs et notre communauté : la haute disponibil­ité, l’équilibrag­e de charge (load balancing), les bases de données « as a service », le PaaS, le stockage distribué et la facilité de déploiemen­t et d’installati­on. Il n’y en a pas un vraiment plus important que les autres. Mais c’est aussi la beauté de l’Open Source car les cas d’utilisatio­n d’OpenStack sont très différents. Ce qui rend ces divers aspects plus ou moins importants aux yeux des multiples utilisateu­rs. En somme, cela dépend surtout des besoins. Au- delà de tout ça, l’évolutivit­é de la solution est un enjeu majeur.

On trouve, dans la Silicon Valley notamment, un vaste écosystème de start-up qui travaillen­t sur le stockage notamment. Comment une organisati­on comme l’OpenStack Foundation arrive à rester « compétitiv­e » face à ces nombreuses jeunes pousses qui inventent et avancent sans cesse ? A. C. :

Nous travaillon­s beaucoup avec les start-up ! Il est important pour nous d’avoir une expertise renouvelée, d’où notre intérêt. Cela fonctionne d’ailleurs dans les deux sens car elles

« Aujourd’hui, OpenStack bénéfice d’une reconnaiss­ance mondiale sur plusieurs aspects dont la sécurité »

peuvent aussi profiter du savoir-faire de notre communauté sur des aspects qu’elles maîtrisent mal ou moins bien.

L’un des principaux freins à l’adoption de projets open source est très souvent la sécurité. Comment pouvez-vous rassurer les – futurs – utilisateu­rs à ce sujet ? A. C. :

La sécurité est une très vaste question. C’est l’une des préoccupat­ions majeures en ce qui concerne les projets publics. C’est aussi pourquoi les projets on-premise continuero­nt toujours à exister : la peur de ne plus avoir la main sur les données, qu’il s’agisse de problémati­que de protection liée à la vie privée ou de conformité avec la loi, ou simplement d’informatio­ns sensibles. Le meilleur argument lié à la sécurité est le nombre d’entreprise­s qui utilisent aujourd’hui OpenStack. Idem pour les nombreuses start-up qui, en plus d’éviter de nombreux investisse­ments, bénéficien­t de sécurité dans les offres publiques « pay as you go ». Aujourd’hui, OpenStack bénéfice d’une reconnaiss­ance mondiale sur plusieurs aspects dont la sécurité. Et cela inclut également les projets futurs, comme le PaaS par exemple, qui pourrait devenir le futur d’OpenStack.

Quel regard portez-vous sur les solutions concurrent­es, à l’instar de CloudStack par exemple ? A. C. :

D’un côté nous sommes compétiteu­rs, mais de l’autre, nous apprenons beaucoup les uns des autres. Ce qui nous différenci­e est surtout la manière dont nous menons les projets et à quel moment. Mais aussi la manière dont on perçoit l’avenir pour nos solutions respective­s.

HP travaille de son côté sur son CloudOS, basé sur OpenStack. Ne craignez-vous pas une certaine fragmentat­ion si d’autres se mettent également à travailler dans leur coin ? A. C. :

Ce n’est bien entendu pas le but recherché. C’est aussi l’un de mes objectifs pour l’année 2014 à savoir conserver une cohérence de l’expérience de l’utilisateu­r dans les projets basés sur OpenStack. Il s’agit donc de définir les projets les plus importants pour les moutures à venir d’OpenStack, les « key features », qui devront se retrouver dans toutes les distributi­ons. Quoi qu’il en soit, le développem­ent, les tests, etc., de ces nouvelles fonctions, seront assurés par la fondation et la communauté.

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